Re-Bonjour Lumière [PV Irvin Durand]

Deux mois, cela a duré deux mois... Irvin m'a aidé en harcelant juges, coupables, témoins au
téléphone pour que les choses avancent plus vite. J'étais en effet très faible. J'avais même fini par ne plus travailler dans la blanchisserie; m'évanouissant à tout va, on m'avait déclaré inapte... Et pourtant, il leur en faut pour accepter quelqu'un comme tel. La prison se moque généralement de votre état de santé, sauf qu'à mon niveau ils ne pouvaient plus faire comme si de rien n'était. Mon dossier a été reprit, et dans la légalité je vous prie! Inutile de dire que mon agent est fou de joie... Moi je suis fou tout simplement; je ne comprenais rien de ce qui m'arrivait! Surtout quand l'ambulance est sortie de la prison. Normalement, nous ne quittons pas les lieux à moins d'un arrêt cardiaque. Une sortie éphémère me remplissait déjà de joie; même si ce n'était que pour aller à l'hôpital d'à côté. Là-bas, on m'a retiré les menottes puis on m'a soigné avec beaucoup de douceur. J'ai compris que quelque chose d'autre que cette petite sortie occasionnelle se préparait. Quelque chose de plus grand. Je l'ai su quand Gabriel m'a prit la main-Pas Gabriel le prisonnier dont je m'étais fait un "petit copain" afin d'obtenir sa protection mais bel et bien mon agent adoré-pour m'annoncer que mon dossier avait été revisité. Il ne restait plus que des petits formulaires de rien du tout; une période de surveillance obligatoire et je serais libre...

Libre????

Qu'est-ce ce mot? Il est beau, je ne sais plus trop ce qu'il signifie mais d'instinct, je sais que je l'aime! J'ai aussi su que la plupart de ceux qui m'ont fait du mal ont été mis en garde à vue aujourd'hui... Je n'arrive même pas à me réjouir parce que je sais ce que c'est d'être en prison et n'ait pas la force de souhaiter cela, même à mes pires ennemis. En même temps, c'est plutôt rassurant de les savoir loin!

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Un mois a passé, Irvin n'était plus là... Je l'ai cherché pourtant, ne souhaitant pas disparaitre dans la nature sans avoir revu celui qui m'a en partie sauvé. J'ai eu le temps de guérir plus ou moins; mais même pour être mannequin de nouveau, il me faudra reprendre quelques kilos et laisser le temps au temps pour que mes cicatrices disparaissent. Ils
veulent bien me reprendre même avec ma main à demi paralysée, ça ne se voit plus tellement alors c'est bien... Et puis il faut se dire que mon histoire a ému le "peuple". Je suis célèbre avant même de monter pour faire le prochain défilé. Gabriel a reprit son métier puisque je suis libre, on a déjà commencer à se ré-entrainer un peu.

J'ai apprit finalement que Irvin revient aujourd'hui. Chaque jour, je viens jusqu'aux portes de la prison et je demande de ses nouvelles. Je suis sûr qu'il reviendra, mais quand? Je n'en ai aucune idée! Les gardiens me jettent toujours dehors... Avec insultes parfois, apparemment mon ami aurait reçu plusieurs "clients dégoûtants" dont je fais parti selon eux. Il les auraient reçu ici! Et les gardiens ne me reconnaissant pas sans mes vêtements de prisonnier me croient de cet apanage là. Je suppose aussitôt que c'est une affaire de drogue. J'ai beau expliquer que je veux vraiment voir Irvin pour le personnage et non le reste, personne ne me croit... Mon gardien n'a pas d'amis apparemment. Et pourtant, je ne cède pas! Même si ça me revient cher, et qu'en plus c'est loin, chaque jour je reviens, me prends mes même insultes et repart sans rien.

Jusqu'à aujourd'hui. Ces gardiens qui me disent être l'un des "sales clients" d'Irvin ne sont pas plus propres... Ils aiment les jolies femmes, or je suis un maître dans cet art! Il ne s'agit pas de se déguiser en fille mais d'en devenir une. Je l'ai déjà fait, et j'ai dupé un photographe comme ça, eux, ils n'y verront que du feu. Mes quelques kilos manquants m'aident à expliquer le manque de poitrine; les cheveux que je porte un peu plus long que mes épaules sont coiffés avec une simple barrette un peu fantaisiste qui change littéralement la perception que l'on a de mon visage quand ces mèches tombent dessus. Je joue aussi sur le maquillage que je veux léger pour ne pas m'apparenter à une prostituer. Je porte maintenant une robe d'été légère, blanche sans dentelle, toute simple et assez pudique qui retombe jusqu'à mes genoux. Je passe ensuite des talons aiguilles délicats, pas trop hauts, qui ne claquent pas tant que ça sur le sol puis travaille ma démarche pour la changer... Inutile qu'Alice ait la même façon que moi de marcher, ce serait beaucoup trop visible sinon! Le mascara appuis sur mes yeux bridés, me faisant passer pour une vietnamienne plus qu'un homme originaire de l'amérique latine; j'ai maintenant l'air d'une étudiante sage.

Je suis venu en tant qu'Alix à la même heure, normalement; mais dans la soirée, je reviens en tant qu'Alice. Cette fois, l'accueil n'est pas le même! Le gardien habituellement grossier me fait milles avances et tendresses. Je souris, lui donne un faux numéro de téléphone et apprend qu'Irvin est revenu aujourd'hui... Quelle chance j'ai eu d'avoir eu cette idée aujourd'hui sinon je l'aurais manqué. Je me repeigne discrètement puis croise les bras au dessus de cette poitrine que je n'ai évidemment pas. Je ne sais pas si Irvin me reconnaîtra... Normalement si, il m'a beaucoup plus côtoyé que ces fichus gardiens et je l'espère aussi plus intelligents que ces rustres. Ces derniers n'ont pas vu de femme depuis longtemps; ils vivent en autarcie depuis longtemps, ce qui explique en partie leur aveuglement sans nul doute. Alors que mon gardien préféré franchit les portes de la prison je me dirige vers lui et lui sourit façon Alice, mais en elle, il y a toujours moi... Saura-t-il voir qui est qui?

-Je suis libre.

Je lui murmure ça en lui prenant le bras; puis jugeant utile de ne pas paraître fou je souris avec malice, lui fait un clin d'oeil puis lui glisse à l'oreille

-Je t'expliquerai après.

Et je lui donne une tablette de chocolat au biscuit dans les mains. C'est un peu comme un symbole; et ça, il le reconnaîtra, j'en suis certain.

Il y a des choses qui changent vachement, d'autres non. Le plaisir que me procure la lecture de Closer est toujours le même. Voir quelqu'un présenter Christophe Maé comme « un grand monsieur de la chanson française » ou qualifier Beyoncé de « bonne » c'est jubilatoire.
Hélas, tout n'était pas comme ça.
Marcher longtemps avec des talons me fait mal, on ne hurle pas dans la rue parce que sinon les gens vous matent bizarres, après avoir trop bu j'ai la gueule de bois, la nourriture a le goût de nourriture, après mon café du matin je fais caca, les choses ont des conséquences, la télé c'est chiant à regarder six heures d'un coup, quand il fait froid je tremble et je deviens bleu, je ne peux pas rester éveillé et en forme trente six heures d'affilées, je ne me comporte pas comme si j'avais une batterie d'avion branchée dans le cul, j'ai une petite voix, je me trouve moche, je m'ennuie dans la vie.
La normalité, cette chose formidable.
Mais voilà qu'on vient m'interrompre dans mes réflexions profondes et intéressantes pour me dire qu'une fille... Me demande. Moi. Une mignonne en plus, précise t'il. Je soupire, pose mon Closer, et me lève. Putain de corvée. Mais c'est qui, cette meuf ? Une inspectrice des impôts, un truc dans ce goût là ? Je me renseigne auprès de mon collègue, doué d'un sens de l'observation remarquable quand il s'agit de la gent féminine. Non, elle est pas là pour un redressement fiscal, plutôt pour se faire bourrer le fion à son avis. Dans sa p'tite robe blanche là, rrrr ! Je le regarde d'un air las, et il se rappelle soudain que les nanas, c'est moyennement mon truc. Il hausse alors les épaules et se casse, me laissant là avec ma mystérieuse inspectrice des impôts. Je me dirige vers la sortie et m'allume une cigarette, histoire de me détendre avant la pénible corvée de la fiscalité. Putain qu'il fait froid dehors.

- Bon alors, c'quoi c'te nana là ?

C'est fou comme un froncement de sourcil et le fait de tenir sur mes deux jambes me donne comme charisme. J'ai même pas eu le droit à une blague graveleuse à propos de la meuf. Nan, sérieux, je progresse.
Donc, maintenant, en exclusivité, la putain de nana qui commence à me les briser menu même si je l'ai pas encore vu. Et si vous voulez savoir ce que j'en pense maintenant que je l'ai dans mon champ de vision, et bah je la trouve pas belle. Nan mais arrêtez avec vos idées reçues sur les homo et gna gna gna, y a une différence entre belle et bandante. J'suis pas con celle là elle est trop maigre pour être belle. Pas de poitrine, les hanches trop maigres, une silhouette droite. Nan, franchement, je vois pas ce que mes collègues lui trouvent. Bon, c'est vrai, elle a très beau visage, très asiatique et tout, mais elle a un je ne sais quoi qui ne lui sied pas.
Comme une bite par exemple.
Si si, de plus près, je la (le) reconnais. Et y a tellement de trucs qui me traversent d'un coup que ça me fout les boules, je trouve rien à dire. Je savais pas qu'il était libre, pendant que j'étais à l'hôpital j'étais coupé du monde un peu. A vrai dire je suis revenu ce matin. Et si je lisais Closer tout à l'heure c'était en attendant le moment de la soirée où les prisonniers sont enfermés dans leurs cellules jusqu'au lendemain pour aller le voir, ce petit con là. Mais non, c'est lui qu'à ramené ça fraise et qui me sort l'évidence : Il est libre. Avec une plaquette de chocolat en prime. Séquence émotions je vous prie, j'en aurais presque les larmes aux yeux. Presque. Au lieu de ça je le prends franchement dans mes bras, parce que ça en fout un coup, les choses qui changent brutalement comme ça et qui t'enculent par derrière.

- Alors, c'était ça ta résolution, une vaginoplastie ?

C'est le seul truc qui m'est venu, mais avouez que c'est chiant si Alix est une femme, ça le rend beaucoup moins bandant du coup.
... grand dieu il s'est même rasé les jambes...

Tout dans la délicatesse... Alors moi je me travesti pour trouver un moyen d'avoir des informations sur lui, je souffre comme un imbécile avec ces fichus talons aiguilles et la peur que l'on sache que je suis en réalité un homme-Je respecte les transsexuels mais ne le suis pas... A chaque fois que je fais ça, je crains vraiment de me faire attraper, ce serait vraiment la honte.

-Tu es bêtes Irvin. Je n'avais pas d'autres choix pour me faire écouter de ces gros balourds sans me faire envoyer bouler. Il paraît en plus que le directeur connait tes penchants, ainsi que certaines de tes "conneries" avec des gars venus t'attendre à la porte de sortie. Il ne s'est pas méfié de moi, vu que je ne suis pas ton "genre".

Je le regarde sans ciller; le tribunal m'a endurci. J'ai entendu toutes sortes de choses; des insultes, des mensonges... Et bien sûr, le pire de tout, le silence de deux parents absents qui n'en ont rien à faire; considérant que je les traite comme de la ****; juste parce que je renie la prison. Et bien oui mesdames et messieurs, je ne suis pas fier de mes deux mois derrière les barreaux! Croyez-moi. Même si j'étais-et je suis toujours- innocent, je me sentais coupable tellement les gardiens nous le répétaient. Et bien là... Je me sens vraiment coupable vu le regard peu envieux qu'Irvin me lance... Je ne l'attire pas du tout, en fait, j'ai l'impression de lui faire honte. Il regarde encore une fois mes jambes, je soupire, devinant facilement ses pensées.

-Je ne me suis pas rasé les poils des jambes imbécile.-Je l'ai dis avec un certain amusement mais aussi une petite pointe d'agacement... Juste une toute petite pointe.- Je n'en ai jamais eu.

Mes origines vietnamiennes m'ont toujours aidé à jouer sur l'ambiguïté, avouons-le.

-Tu viens? Ou pas? J'ai hâte de redevenir ce que je suis moi.

J'ai bien l'intention de discuter avec lui. De quoi? Je ne sais pas... Pourquoi? Aucune idée... Je veux juste revoir le Irvin qui me manquait tant. En parlant de ça, il a bien meilleure mine! Pour ça, il ne peut y avoir qu'une raison... La drogue est en train de perdre la bataille. C'est bien ça.

-Tu es plus mignon que dans mes souvenirs

Je souris, le bouscule un peu du coude. C'est ma façon de le féliciter. Je finis par marcher à grands pas, j'arrive devant la voiture et le chauffeur ouvre la voiture... Je grimace. Je n'aime pas toute cette richesse; mais je suis mannequin... Et plutôt célèbre maintenant puisque je suis sensé faire ce fameux défilé que j'ai manqué cet année, en clou du spectacle d'ailleurs... Merci Gabriel, vraiment merci! Mais je lui devais bien ça... Donc la police a décidé de me mettre sous protection; et l'agence de mannequinat qui me méprisait des années plus tôt se mord les doigts. La nouvelle, craignant de faire la même erreur me soigne aux petits oignons, d'où la belle voiture, le chauffeur et tout.

-Ne fais pas attention à ça. Ne crois pas que j'ai changé... Je me fiche de leur richesse.
Puis un sourire malicieux enfreint la barrière de mes lèvres. L'agent soupire, il sait que je viens de trouver une idée qui va encore lui compliquer la tâche! Le pauvre, j'en suis désolé pour lui mais moi, je n'aime pas trop le luxe, je préfère largement la simplicité...

-Plutôt ta voiture si tu veux bien.

Soudain quelque chose vient à mon esprit, un peu comme une idée... Triste. Et si Irvin n'avait plus envie de me voir... S'il... Considérait que j'appartiens à un passé maudit ou plus simplement comme un être inintéressant. Je soupire tout à coup, m'en veut... mais c'est inutile, alors je décide d'être direct, comme il l'aime.

-Enfin... Comme tu veux. Tu m'as manqué, j'ai plus cherché à te retrouver qu'à savoir si toi tu en avais envie.

C'est un peu comme à la prison... Oui pareil! J'ai le même regard, désolé d'exister, de m'imposer malgré moi. Ma belle force s'enfuit... Je redeviens fragile, dépendant de sa réponse. Irvin fait partie de ma liberté, pourvu qu'il me laisse l'emmener avec lui...

J'angoisse, la voiture est trop grosse, et son ton est trop dure. Je comprends vaguement qu'il m'engueule, tout en me disant qu'il me trouve mignon. Conneries. Je sais pas à quel moment on m'encule, mais je sens que ça arrive. Il a prit ma blague pour une insulte je crois. Bref, c'est la merde, et la voiture est vraiment trop grosse. Et à tous les coups, y a même un lecteur CD dedans, voir même un lecteur de MP3, avec un écran lumineux qui affiche les numéros. Et sur ce genre de voiture, on doit pas avoir besoin les petits matins d'hiver de pisser sur la serrure pour rentrer la clé. Je connais pas Alix, je sais pas ce que c'est que cette grosse voiture et cette façon de se travestir, même si c'est pour me voir.
Mais tout se tasse, on va prendre la R5. J'lui fais donc signe de me suivre, sans trop savoir quoi dire encore, je sais pas si c'est du lard ou du cochon là. Ma bagnole est garée plus loin, j'y vais en trainant les pieds, les mains dans les poches et le dos vouté. Et si vous vous demandez, non ça va pas bien, ça va pas bien du tout, et expliquer le pourquoi du comment du tenant des aboutissant de la chose me fatigue d'avance, alors je le ferais pas. Et comme de fait exprès pour m'enfoncer, Alix me sort des trucs qui auraient pu paraître mignons, mais qui m'apparaissent sans sens dans l'état ou je me trouve. Vite, trouver une excuse pour pas répondre.
Je pointe de la main tenant ma cigarette mon tas de merde, aussi appelée Titine.

- Voilà ma caisse.

Sur le siège passager traine pèle mêle un paquet de biscuit éco plus ouvert et moisi, une très vieille seringue avec un peu de sang dedans, un ballon de foot dégonflé et plein de boue, un boxer pas très propre, un petit pot de café soluble, de la crasse, de la saleté, de la dégueulasserie, un cendrier plein, des trucs en morceaux et tout un tas d'objets dont je ne saurais pas expliquer la présence dans une voiture. Le tapis de sol est déchiré, la peinture blanche de la carrosserie s'écaille, les housses des sièges partent en lambeaux. C'est ma voiture, une vraie décharge, je l'aime.
Je vire le bordel du siège passager pour le balancer à l'arrière.

- T'es sûr que tu veux monter dans un tel merdier ?

Je hausse des épaules dans ma veste d'aviateur (non, je suis pas déguisé en pute aujourd'hui, fait trop froid pour ça) et m'installe dans Titine. Putain la vache ça refloue. C'est pas possible y a toute une famille de rat qu'est morte là dedans, et y a un moment. Dieu que j'aime cette voiture, elle me ressemble tellement, un vrai tas de merde.
Je tourne le contact et krkrkrkrkrkr... Reuh. Putain de merde, cette bondieuserie de caisse à la con m'a fait cinq cent bornes hier, et rechigne à démarrer aujourd'hui. Putain de nana (oui, ma voiture est de sexe féminin). Je pointe le tableau de bord du doigt d'un air pas content et cendre dessus pour lui apprendre la vie.

- Titine bon dieu de merde fais pas chier, déjà ce matin y avait plus de PQ aux chiottes, me pourris pas totalement la journée s'teu plaît.

Et là elle démarre. Putain j'ai un trop bon feeling avec ma caisse, un truc de malade. Le truc c'est de donner des coups de pied aux bons endroits et tout va bien. Enfin elle va bien rendre l'âme un de ces quatre matins, c'est miraculeux si elle l'a pas déjà fait d'ailleurs, mais si ça pouvait arriver le plus tard possible...

- Et oui je suis content de te revoir, même si ça fait un peu bizarre. J'ai un peu perdu le fil ces temps ci, tout ça...

Je regarde droit devant moi à travers le part-brise (et vu la couche de crasse jaunie, c'est pas un mince exploit) en serrant les dents pour reflouer une envie de vomir. Tu peux même pas savoir à quel point je me sens fatigué et à quel point j'ai froid. Là tel que tu me vois, avec ma « meilleur mine », c'est juste que je porte un débardeur avec un T-shirt, un pull à manche longue et un pull à col roulé par dessus, ça me grossi. De même pour les deux jeans que je porte et les trois paires de chaussettes. C'est possible d'être aussi con ? Si si, c'est possible.

- Et sinon on va où en fait ?

- Voilà ma caisse.

La première chose que je me demande c'est: comment cette chose là fait-il pour rouler sans être arrêté par la police, la seconde: comment fait-elle pour rouler... Pourtant je ne me serais pas amusé à critiquer la voiture du gardien, ce n'est pas mon genre... Et ces questions que je me suis posés étaient simplement rhétorique, en aucune façon je ne me crois supérieur à Irvin ou trop digne pour y rentrer. Justement, cette portière un peu mal fichue que j'ouvre, c'est l'entrée d'un passe droit avec le gardien, un cadeau... Il accepta ma présence, malgré tout ce qui semble avoir changé chez lui et bien sûr chez moi... Je rentre donc, faisant fi de l'odeur violente et désagréable qui m'assaille. Je sors un miroir et retire avec joie le maquillage. En fait j'ai des manières très efféminé, je le reconnais maintenant-Moi qui l'ait nié des années durant-mais n'aie jamais souhaité être une fille... Je suis heureux d'être un garçon. Je sais, vu mes habitudes, ma gestuelle, l'on pourrait être persuadé que je rêve de changer de sexe, mais non même pas... Je sais, c'est paradoxal, étrange, tout ce que vous voulez mais c'est ainsi! C'est pour quoi j'enlève la barette qui seint mes cheveux et fouille dans mon sac à la recherche d'un tee-shirt... Le vêtement est mixte à tendance effeminé mais l'on devine quand même que je suis un garçon. Habilement, ayant prit l'habitude de me changer en toutes circonstances et en un temps records-je suis mannequin quand même- dès que Irvin tourne les yeux je roule en boule la robe blanche puis passe un jean tout simple, sobre et agréable à porter, pareil pour le tee-shirt; pas trop moulant, passe partout. J'ai quand même du faire pas mal d'accrobaties mais le résultat et là... Lorsque Irvin se retournera, il me verra tel que je l'ai toujours été.

-Enfin!

Alors que j'enlève les talons aiguilles pour prendre de simples baskets dans mon sac; je me retourne, en effet Irvin a parlé... Mais je ne suis pas son interlocuteur, sinon Titine! Instinctivement je me retourne sur le siège arrière pour voir s'il n'y a pas un chien ou un autre animal...Titine... C'est la voiture! N'empêche qu'il parle bien le langage des moteurs car l'engin lui obéit et part aussitôt. J'ai demandé à mon agent de se rendre directement chez moi, même si je n'y suis pas; je prendrai le bus après... Hors de questions de revenir ici pour prendre la voiture.

- Et oui je suis content de te revoir, même si ça fait un peu bizarre. J'ai un peu perdu le fil ces temps ci, tout ça...

-Je suppose que ça va mieux maintenant, tu me retrouves un peu, non?

Je lui souris en relevant vers lui mon visage enfin démaquillé. Il m'a tellement manqué Il a tellement changé lui aussi. Un air épuisé trone sur son visage... Mais son regard est plus limpide... Il n'y a pas cette cochonnerie qui squatte son regard: cette saleté de drogue! Je crois qu'on l'a battu tous les deux, c'est formidable.

-Mais moi aussi tu sais, j'ai perdu un peu le fil de l'histoire. La ville me parait immense maintenant... Mais chaque pièce minuscule; j'ai peur des murs et des fenêtres surtout, comme si des barreaux pouvaient se poser subitement sur elles. Je les laisse toujours ouvertes du coup.

Je souris, c'est vrai au sens propre du terme mais c'est également une métaphore. La fenêtre c'est moi, et de peur d'être encore enfermé, de ne pas pouvoir vivre, je m'ouvre à tout! Oui, je profite, vis à cent à l'heure... Pas dans le sens ou vous l'entendez, non je ne dépense pas mon argent à tort et à travers pour du shopping mais disons que je reste ouvert sur le monde... J'écris, je lis, je vais au cinéma, au théatre même! J'essaye aussi d'apprendre l'allemand et je fais des cours de dessin. Et lui? Est-ce que ma remise en liberté change quelque chose pour lui? Sûrement, mais est-ce positif ou négatif?

-Si tu veux, on va chez moi. J'ai dis à l'agent de retourner directement là bas, mais une fois son service terminé, il rentre chez lui. C'est au centre ville. Ou sinon... Où tu veux!

Oui même en pleine campagne pour ne rien faire, ou regarder le coucher du soleil quoique je doute que ce soit le style d'Irvin. J'avais vraiment besoin de le revoir, plus rien ne compte désormais. Tout à l'heure en me revoyant il m'a prit dans ses bras, je suppose que c'est plutôt un bon point non?

-Mais rien ne presse, on peut aller au cinéma si tu veux, ou faire un tour en ville.

Qu'on s'entende bien, je n'ai rien fait -volontairement en tout cas- avec un autre homme qu'Irvin, et oui, j'avoue, j'ai envie de lui.... Mais je ne souhaite pas le voir avant tout pour cela... C'est juste que je tiens à lui; je suis reconnaissant de son aide, je l'aime vraiment énormément, à sa manière cet homme est un doudou, un ange. Oui, le doudou, c'est lui pas moi! C'est juste un foutu ours mal léché... Mais les ours ont quand même le pelage doux.

-Merci Irvin... En grande partie, je te dois ma liberté... Je ne te le dis pas pour te dire ce mot tout simplement, comme ça, des paroles en l'air mais... Vraiment parce que je le pense. Avec Gabriel, vous êtes les seules personnes en qui j'ai confiance... Et que je ne eux surtout pas perdre

Ce n'est pas mélodramique! D'ailleurs ma voix ne ressemble pas du tout à celle de la jeune femme fragile au visage angélique embrassant son époux en lui murmurant ces mots poétiques... J'ai juste le ton de l'évidence, une voix normale qui dit des choses normales et vraies.

Je me sens tout chose, normal, Alix il dit rien que des trucs tout bizarro-mignonno-philosophico-compliqués. Et tu sais à quel point mon intellect est réduit, tu me pardonnera donc de pas trouver quelque chose de vraiment percutant à répondre. J'ai toujours évité de me foutre avec des mecs plus intelligents que moi, et je ne comprends que maintenant la logique de cet acte de survie. C'est un coup à se démolir l'égo ça, mais bon j'suis plus à ça près, et c'est un peu tard pour me casser en courant. Puis je risquerai de me faire mal si je sautais de la voiture.

- C'est joli ce que tu dis.

Je passe une vitesse, cendre n'importe où. Où j'ai envie d'aller ? Pas dans un lieu public en premier lieu, ensuite euh... Chez lui, j'ai peur d'être effrayé. Oh mon dieu des objets personnels pas revendus, bordel une bibliothèque, sainte merde il n'y a pas de flaque de vomi par terre, putain le PQ c'est de la soie sauvage. Ce genre de réactions. J'vais avoir peur de casser un truc. Qu'est ce qui reste comme destination mis à part une décharge et un centre équestre ?

- Allons mater un coucher de soleil.

Je sais, tu te touche littéralement devant mon génie. Et pour bien allier les deux, je vais vers un centre équestre en plus, pour stationner à coté des poneys comme ça ça fait doublement romantique (les chevaux qui galopent à l'horizon, tout ça). Y a que moi pour capter l'humour d'une telle situation je crois. En plus, comme je suis pas trop con, j'ai noté que le soleil il était sur l'horizon, sinon on aurait l'air con à chercher un coucher de soleil la nuit, ou le matin. Remarque, ça ferait une bonne excuse pour niquer dans la voiture.
J'écrase ma cigarette, j'en rallume une autre, et j'ai toujours une jolie envie de gerber. Bon dieu Irvin détend toi, personne va te manger. Enfin personne sans ton consentement.

... Ça ressemble à quoi chez toi ?

L'idée d'aller « chez lui » me fait un peu flipper. En fait j'me rends compte que j'ai pas envie de parler de sa libération ou de quoi que ce soit de sérieux. Oh je t'en pris mon lapin, décris moi ta piaule pièce par pièce, raconte moi une blague naze. Quelque chose de léger tu vois, j'suis vraiment pas d'humeur à me prendre la tête, tu peux comprendre ça non ? ET PUTAIN C'EST QUOI QUI SCHLINGUE COMME ÇA ? C'est pas possible, Alix a chié en douce dans ma caisse en se déshabillant. Ça pue la mort. Et ça vient de sous mon siège en fait.

- Attends deux s'condes j'm'arrête l'odeur m'indispose vraiment là. Y a un truc sous mon siège.

Bon, on est à la campagne, je peux squatter le bas-coté. Et fouiller sur mon siège. En fait, vu l'odeur, je parierai sur de la bouffe en décomposition. Ça, c'est encore un truc que j'ai acheté mais que j'ai eu la flemme de manger. Et ça sent très très fort. Bon ça va pas être un poulet entier non plus, j'ai sans doute pas acheté un truc aussi gros pour moi tout seul. P'tète en steack. En tous cas je risque rien à mettre la main dessus, c'est sans doute emballé, et puis j'ai vu des trucs plus dégueu qu'un steack en état de décomposition avancée.

- Attends regarde pas, c'est p'tète pas très propre. Genre de la bouffe là depuis six mois.

Je mets la main sous mon siège, je tombe sur un truc fin et dur. Et un peu poilu aussi. Mystérieux, j'ai pas la moindre idée de ce que ça peut être. Je tire dessus, putain c'est plus lourd que je le pensais. Pas très lourd, mais plus qu'un steack. Deux steack alors ? J'ai la chose en face de moi. C'est noir et roux, ça sent très très mauvais, ça n'a pas d'yeux, juste des orbites vides, j'en vois l'intérieur, et des lambeaux de chair décomposées pendouillent pour toucher mon poignet. En fait, ce que je tiens, c'est une patte avec l'os à l'air et des poils collés dessus. Et ça bouge. Ça se tortille. Mais je comprends vite que ce sont des asticots et y en a qui me tombent sur les genoux à cause du mouvement. Et à vingt centimètres de ma tête se trouve un museau vraiment pas en bonne état, avec la gueule ouverte dévoilant une langue verte (la décomposition toujours) et étonnement longue. D'ailleurs la-dite langue et des morceaux me tombent aussi sur les genoux, mais ça, ça tortille pas. Et finalement la patte qui tenait pas très solidement au reste du corps lâche et le cadavre me tombe dessus.
Je suis face à un Yorshire mort depuis longtemps.
Là dessus, je hurle à plein poumons, j'ouvre ma portière, je balance à la vitesse de la lumière cette chose horrible en hurlant (qui atterri sur le sol en faisant « sprotch »), je chasse d'un geste de la main se qui se trouve sur mes genoux, je me jette sur Alix, j'ouvre la portière de son coté, je lui marche dessus et je saute hors de la voiture dans le fossé, où je m'écrase comme une merde. Le tout en hurlant. La scène n'a pas durée deux secondes.
Et en plus j'ai sauté dans des orties, où je suis allongé de tout mon long. Donc évidemment à cause de la douleur je re-saute pour atterrir face à ma caisse, mais le cadavre est dans mon champ de vision alors finalement je me roule en boule en tremblant derrière la voiture. Et j'enlève rapidement mon jeans imbibé de jus de cadavre pour le balancer au loin (j'en ai un autre en dessous, je vous rappelle).
Évidemment que les nerfs lâchent, t'aurais fait quoi à ma place toi ?
Donc je me retrouve comme un petit tas de misère à pleurer bruyamment toutes les larmes de mon corps en tremblant beaucoup. Non, je n'aime pas trop les choses mortes, surtout quand elles sont mortes depuis longtemps. Je vous dis, j'ai craqué, mais bien hein. En fait j'ai envie de laisser Alix et la voiture là, et de m'enfuir en courant. Mais le truc il est à deux mètres de moi, et ça me donne pas du tout envie de me calmer, plutôt de hurler (notez que j'applique cette solution depuis un moment). Que je suis bien là, roulé en boule derrière ma voiture les yeux fermés la tête dans les genoux. Si je pouvais me téléporter, je le ferais volontiers, hélas pour partir d'ici, il faut que je me lève, que j'ouvre les yeux et il y a de forte chance qu'à un moment je me retrouve face au cadavre du Yorshire. Donc je me retrouve paralysé là comme un con qui peut rien faire. Impossibilité totale de bouger hein, pas un cil. Juste chouiner torturé par la peur d'un truc mort et par d'autres trucs aussi. Les nerfs petit, les nerfs, c'est ce qui aura notre peau à tous.

- Allons mater un coucher de soleil.

Je souris, joliment surpris. Honnêtement, je savais Irvin sensible, mais à sa manière... Pas de cette façon romantique. L'idée me plaît aussitôt et je hoche la tête! Je ne sais pas par où il va, ne connaissant de cet endroit que la prison... Mais bientôt sur les pancartes, je vois écrit " Centre équestre". J'espère soudainement qu'on aille par là. J'adore les animaux! Vraiment! D'ailleurs je suis en train de chercher une petite maison-pas dans le luxe, j'ai dis une demeure de taille raisonnable- avec un immense terrain pour élever un ou deux chevaux... Je rêve de ça! Vous lever et avoir un majestueux cheval de trait-j'adore ces bêtes là- courir vers vous d'un trop pesant et tranquille. On dit qu'ils sont fidèles en plus! J'aurais bien un pur-sang arabe pour le galop à toute vitesse... Mais aussi un Shire, le plus grand cheval du monde pour me lover contre sa puissante encolure et me sentir à l'abri de tout et surtout de la trahison. Je veux vraiment aller voir ce coucher de soleil; et les chevaux dans ce centre équestre.

... Ça ressemble à quoi chez toi ?

-C'est un petit appartement confortable; Il y a quatre pièces: une petite cuisine, un grand salon, et deux chambres.

J'aime assez cet appartement, il est simple, comme moi. Il n'y a rien de vraiment luxueux dedans, sauf peut-être les produits esthétiques dont j'ai besoin; mais sinon, tout est sobre... Ce que j'aime dans cet appartement, c'est la propreté impeccable qui y règne. J'ai engagé une vieille dame pour faire le ménage. Oh, s'il n'y avait eu que moi, j'aurais tout fait seul: mais cette dernière, employée de mon agence a été viré... Comprenez, avec ses 100 kilos et ses 50 ans, elle fait défaut à l'image d'une agence de mannequinat. On 'la remplacé par une jeune secrétaire magnifique mais très bête. Du coup, elle m'a supplié de lui donner du travail... Faut dire que la retraite, ce n'est pas encore maintenant; elle en a pour 5 ans minimum. Du coup j'ai accepté. Elle est vraiment douée! Très propre! Je n'arrête pas de la féliciter et l'ait dernièrement augmenter. Il faut dire que la voir est très agréable; cette femme est un ange. Je suis tiré de mes pensées par quelque chose qui vient soudain me chatouiller les narines... Enfin, me les irriter dangereusement serait un mot plus juste. Irvin aussi l'a senti. Bon sang, aurais-je marché dans une crotte de chien de gardien avant de monter ici? Je m'apprête à vérifier fiévreusement dans mon sac; déjà dégoûté à cette idée lorsque le gardien se retourne vers moi.

- Attends regarde pas, c'est p'tète pas très propre. Genre de la bouffe là depuis six mois.

Je m'en veux de détourner le regard; ainsi, je paraît vraiment être une chochotte! Pourtant j'ai connu la prison, oui ou non? Je soupire... Mais me résolve à obéir à Irvin et détourne les yeux. L'odeur monte, je me sens mal... Ca dure, ça dure et puis soudain mon compagnon hurle, se détache et me passe par-dessus... Je n'ai pas compris ce qui se passe jusqu'à ce que je vois des trucs blancs un peu partout sur le siège, l'un d'eux se tortille à mes pieds sans me toucher pour autant. Au loin, mes yeux distinguent Irvin dans le fossé mais aussi un truc poilu. Je m'aperçois que ce qui bouge à mes pieds n'est pas un grain de riz miraculeusement ramené à la vie par une quelconque magie mais...

-Ohhhhh Mon dieu !!!!

Je jaillis de mon siège, m'étranglant à moitié en oubliant d'abord d'enlever ma ceinture. Je rejoins Irvin qui semble désemparé dans le fossé et le devient moi-même en voyant le cadavre purulent du Yorkshire... Ca... Dans une voiture ???? J'ai envie de vomir mais ne le fait heureusement pas, je n'ai rien mangé ce midi, bien m'en a prit je crois. Je tremble de tous mes membres devant cette vision d'horreur... Mais Irvin est terrifié, je dois agir! Courageusement, je plonge la main dans mon sac; craignant d'y trouver une cinquantaine d'asticots en ouvrant ce dernier. Heureusement il n'en est rien; je tire mon téléphone et hurle dans le haut parleur.

-Monsieur Clein, revenez avec la voiture! Vite.

Je donne l'adresse... Il ne reste plus qu'à attendre l'agent. Je cavale jusqu'à Irvin; m'écorchant les mains et le visage en glissant dans les ronces... Tant pis! Rien à faire! Je tiens trop à toi Irvin... Impossible pour moi de te laisser ainsi; dusse-je me battre contre le cadavre de Yorkshire revenant à la vie avec des asticots à la place des yeux. J'arrive près de lui et l'enlace avec force; posant sa tête contre mon épaule. Il faut qu'il sache que je suis de son côté! Je ne l'abandonnerai pas... Les larmes montent à mes yeux mais je parviens à me retenir pour ne pas faire couler les siennes un peu plus. Mes gestes tremblent mais sont pourtant sûrs d'eux-même à la fois. On va s'en sortir.

-Il arrive Irvin. Ne t'inquiète pas, tout est fini. On ira voir le coucher de soleil, ou tout ce que tu veux. Je ne te laisse plus à partir de maintenant!

Je meurs d'envie de lui demander s'il a un ennemi capable de faire ça... Mais n'ose pas. Pour l'instant, il faut que l'agent de sécurité se dépêche. Finalement Monsieur Clein arrive. Sa carrure immense répond tout à fait au cliché du garde du corps. Crâne rasé, la 40 ène! L'âge d'or pour cette profession puisqu'il a encore la force mais aussi l'expérience. Son regard noir balaye la scène du crime et il nous fait signe de remonter doucement; n'ayant aucun moyen de venir nous chercher. Monsieur Clein est un homme formidable à qui je confierai ma vie sans problème. C'est quelqu'un de très protecteur, serviable. Certes d'apparence grognon mais l'on sent qu'il m'aime bien. Aussitôt il arpente la voiture, fronçant à peine le nez devant le cadavre... Ancien agent du FBI... Comprenez. A mon avis, il cherche si c'est un accident que ce chien se soit retrouvé là... Chose peu probable ou une intention d'intimidation. Il cherche aussi si l'animal a eut le temps de pourrir ici où si on l'a mit déjà dans cet état. A moi ça me parait plus probable; Irvin aurait été incommodé par l'odeur avant.

-Laissez ça s'il vous plaît. Appelez la police ... Mais sortez-nous de là!

Je remonte péniblement, tendant la main à Irvin; en comptant bien qu'il s'y appuis. Je lui souris avec douceur malgré ma crainte pour lui montrer combien je tiens à sa personne et ne le laisserai pas tomber! La grosse voiture de luxe ne m'a jamais paru aussi belle; aussi attirante! Je rêve de ses sièges en cuir propres; de la présence de Monsieur Clein qui conduit, sa présence est vraiment sécurisante.

-Veux-tu aller à la police Irvin? Ou rentrer? Ou...

L'idée paraît folle mais certaines personnes se raccrochent à la possibilité de mettre leur projet à jour quelque soit l'obstacle. Peut-être que de voir une telle merveille comme un coucher de soleil apaiserait Irvin?

-Aller quand même voir le coucher de soleil?

l'agent de sécurité lève les yeux au ciel... Il meurt d'envie d'interroger Irvin mais sait que sur cette question; soit la délicatesse, je suis intraitable. Je me fâcherais vraiment s'il le faisait.

Je suis au bord de l'hystérie, en train de pigner n'importe comment. Et j'entends Alix appeler quelqu'un au téléphone, ce qui me fait reprendre un peu pied. Il court vers moi. Je pose m tête contre son épaule, Alix le sauveur de l'humanité face aux cadavres de petits chiens. Moi je me répands toujours en eau. Heureusement qu'il garde la tête froide lui, sinon on serait tous les deux en train de se rouler par terre pour des heures de rigolade intense en crise de panique.
Enfin grâce à Alix, je reprends mon souffle, tremble un peu moins, et me sens presque capable de faire face à l'apocalypse qui va me tomber dessus. Alix me tend la main en me demandant si je veux aller faire un brin de causette aux poulets. Putain, j'ai oublié ce que ça fait d'être réglo sur tous points de vu, mais visiblement ça rend pas très malin. Après m'être péniblement relevé j'attends qu'Alix ai fini de parler (parce que c'est malpoli d'interrompre quelqu'un), puis je tilte que faut vraiment que j'empêche les keufs de venir, et soudain je me sens pris d'une nouvelle jeunesse et me mets à courir vers le grand machin avec son téléphone.

- APPELLE PAS LES CONDÉS ! APPELLE LES PAAAAAS !

J'agite les bras, mais comme cet abruti fini est bien lancé dans son truc et fermement décidé à pas s'interrompre pour un con dont les larmes sont même pas encore sèches, il continue d'attendre que la flicaille lui fasse un petit bonjour (oui parce que ça met sur attente en plus). Donc arrivé à sa hauteur je lui arrache le téléphone pour en fermer le clapet en vitesse. Rien de tel que la menace d'une rencontre avec les flics pour me mettre illico en état de raisonner.

- Y a de quoi droguer un troupeau de vache dans la bagnole ! On fait jamais venir les flics, ça fout plus la merde que ça l'arrange !

Non, franchement, personne se rend compte. Je suis le seul être lucide ici ou quoi ? Merde, c'est vrai, ils sont blancs comme neige, voir des condés ça les crispe pas. D'ailleurs Alix et Grand Monsieur on pas l'air de comprendre pourquoi je m'agite avec une note d'hystérie dans la voix. Surtout que en fait, y a pas tant de drogue que ça dans ma caisse, juste des restes, genre une seringue séchée tout ça. Mais j'ai pas dis à Alix que j'ai arrêté et j'en ai pas envie en fait, je sais pas pourquoi, peut être pour pas prendre la pleine mesure d'une telle décision, histoire de pas avoir à assumer si je chute. Je serre le portable dans ma main, j'ai réellement pas envie de voir des poulets venir. Ça serait la fin de tout quoi... mais maintenant la menace est passée, j'crois qu'ils ont compris que je pourrais faire des trucs très stupide si les flics viennent.
... et le cadavre du chien ne me dérange plus du tout, si j'y repense un peu fort, un gros frisson va me remonter dans le dos, mais c'est tout. C'est qu'un chien mort quoi. Je vous dis, la perspective de voir un condé dans le périmètre me remet le cerveau à la bonne place. Très rapidement. Attends, on s'envoit pas des kilos de rail de la taille d'une autoroute pendant des années sans que ça laisse de séquelles.

- Euh... Merci de votre aide monsieur, mais c'est passé c'est bon. C'est qu'un clebs clamsé après tout. J'ai paniqué j'suis désolé.

La dernière phrase est adressée à Alix, que je regarde dans les yeux. Irvin, le roi du foutage de merde, catégorie poids plume.
... Mais comment il s'est retrouvé là le chien ? C'est peut être moi qui, il y a un ou deux mois, a mis le chien déjà mort dans la voiture. C'est fort probable, quand j'suis bien raide, j'suis capable de faire ça... Ou alors c'est quelqu'un qu'à mis le chien, genre quelqu'un de pas content qu'un de ses meilleurs clients quitte le métier. Ça arrive ça vous savez. Mais quand même, pour un junkie c'est faire preuve d'une putain d'imagination. J'verrais plutôt ma voiture se faire défoncer à coup de batte de baseball que ça. Les portes sont même pas abîmés (ou alors on remarque pas au milieu de toute la merde qu'il y a dessus). Nan j'pense que c'est moi qui me suis dit « rôh là là un chien mort ça va faire jolie sous mon siège ! ».

- J'pense que c'est moi qui ai mis le chien là quand j'étais trop raide. Puis là ça fait un mois que j'ai pas pris ma caisse, il a eu le temps de faisander, le chien.

J'ai froid, je serre mes bras contre moi. J'ai envie de prendre la tangente, et bizarrement j'ai envie de baiser frénétiquement avec Alix. Ouais comme ça c'est gratuit, et non je suis pas nécrophile. Ça fait juste un mois que je me suis pas fait reluire le chinois, et c'est quand même vachement long, un mois. Bon j'avais autre chose à foutre dans ce délai, mais maintenant j'ai les couilles pleines. Puis cette voiture j'me suis tellement fait visiter l'usine à Suchard dedans que rien que de la voir, ça me donne envie. Enfin sauf quand y a des cadavres à l'intérieur. Et puis là faudrait me déballer pendant un long moment avant d'atteindre mon boxer, tellement j'ai de fringues sur moi, puis fait un peu trop froid pour faire ça dans la voiture en plein air en fait, finalement, mais là j'ai aussi envie d'emmerde Alix devant Grand Monsieur. Genre lui foutre la honte comme seul un vieil oncle bourré peut le faire.

- Hey Alix maintenant tu me visite l'usine à Suchard devant le coucher de soleil ?

Ah ah ah, je suis tellement rigolo.

Irvin n'aime pas la police et cela peut se comprendre; pourtant il ne me semble pas avoir vu tant de choses liées à la drogue dans sa voiture; il faut dire que je n'ai pas fouillé, craignant probablement de me retrouver face à quelque chose de répugnant. J'avais eu raison, il y avait bien un cadavre de chien alors, Waht else? Je le calme ou tout du moins essaye d'un signe de la main; non, je ne vais pas appeler la police... Moi-même, j'ai du mal avec eux! Et franchement, ça ne le ferait pas de me faire arrêter le lendemain de ma libération avec une voiture contenant peut-être de la drogue, sachant ce pourquoi j'avais été accusé à perpétuité. Monsieur Clein s'est chargé de la voiture, il la remorquera tout simplement. Je m'assieds sur le siège confortable du véhicule, l'appréciant à sa juste valeur. Ici je peux appuyer mon dos sans craindre de rencontrer une bête bizarre ou dégoutante, non pas que je veuille dénigrer les affaires d'Irvin mais là; c'était quand même loin d'être supportable.

-Ne t'inquiète pas, c'est normal. Ce n'est qu'un chien mort mais tout de même! Quelle horreur!

Quand il me dit que c'est peut-être lui qui a mit le chien, il a l'air sérieux, je le regarde, surprit un instant... C'est fou ce que cette saleté de drogue peut faire faire au gens... Du coup je la hais encore plus cette maudite poudre blanche. Cependant, le gardien me cache peut-être quelque chose. A-t-il paniqué uniquement à la vue du corps ou parce que ce dernier représente une menace de plus? Un avertissement de je ne sais qui à propos de la drogue ou autre. Non pas autre... La drogue sûrement! Il n'y a qu'elle pour créer des ennuis! Maudite poudre de perlinpinpin; magique pour de faux, et horrible mégère pour de vrai. Je la hais tant que je finis par en faire une personnification; la voyant dans ma tête comme une demoiselle décharnée, affreuse mais aux yeux ensorceleurs. Préférant me remettre des émotions plutôt que de m'interroger plus, je m'assieds plus confortablement et regarde le paysage; me rappelant que je n'ai pas donné de destination à l'agent. Ce dernier peut bien aller où il veut, je m'en fiche. Je me repose là, je suis bien; d'ailleurs mes yeux se ferment doucement mais pas tout à fait, filtrant encore les lueurs de plus en plus faibles du soleil.

- Hey Alix maintenant tu me visite l'usine à Suchard devant le coucher de soleil ?

Je me tourne vers Irvin, alias le mystère sur pattes pour le regarder bizarrement. La première chose qui me viens en tête c'est qu'un suchard, c'est une sucrerie et que ça m'ait interdit... La seconde, que l'usine qui n'est pas loin d'ici ne nous laissera sûrement pas entrer pour visiter ses locaux et la troisième... Depuis quand Irvin s'est-il découvert une passion pour la fabrication de bonbons. La quatrième et dernière pensée venant heurter mon cerveau est la suivante: cette phrase n'aurait-elle pas un sens caché comme Irvin "suele hacerlo siempre": (a toujours l'habitude de le faire ) ? Mais cette idée qui s'ancre plus profondément dans mon esprit ne m'aide pas... A quoi peut-il bien faire référence. C'est Monsieur Clein qui me répond; pas du tout homosexuel car marié, 5 enfants mais très au courant apparemment, ne me demandez pas pourquoi! Ni pourquoi ça le fait rire au lieu de l'offusquer comme tout bon agent BCBG (bon chic bon genre) qu'il est sensé être.

-J'ai un ami qui aime les hommes... Et il vit encore dans ce quartier malpropre de Londres où j'ai vécu un moment. Eux aussi utilisaient cette expression.

Il rit de bon coeur devant ma mine surprise, j'en suis vexé!

-Je crois que vous avez vraiment manqué à Monsieur... Monsieur.

Je finis par comprendre en faisant le rapprochement... Rires, rapport avec un homme aimant les hommes... Irvin; ça, c'est une métaphore sur le sexe. J'en rougis violemment, tant que mon teint de métisse peine à le cacher. Je ne dis rien, nous sommes arrivés plus tôt que prévu et Monsieur Clein nous laisse sur une petite plage déserte privée. Cette dernière appartient à un partenaire de l'agence de mannequinat dit-il... Pas sûr, mais sans doute a-t-il voulu me faire avaler ça pour que j'ose braver l'interdit qui se trouve en face de moi: la pancarte indique que seuls les propriétaires et leurs partenaires ont le droit d'accéder à ce lieu. Monsieur Clein a les clés, il ouvre la barrière et j'ouvre de grands yeux... Effectivement la plage appartient plus ou moins à l'agence, c'était là que j'avais fais mes premières photos. Je me tourne vers l'horizon alors que Monsieur Clein s'en va sans un mot...

Le soleil commence à rougir un peu, quelques pas sur le sable, des souvenirs puis la joie d'être libre! C'est le paradis ici! Je m'approche de l'eau et y trempe ma main puis mes pieds après avoir retiré mes baskets... Délicieux, tout simplement. Je me retourne vers Irvin, vient à lui et l'embrasse doucement.

-Tu es incorrigible Irvin! Toi et Monsieur Clein... Vous êtes tous deux irrécupérables!

Il fait étrangement bon ici; en fait je sais que les lieux sont plus ou moins artificiels. C'est vrai ça, imaginez bien que nous sommes dans un pays de terres où l'océan n'est pas sensé arriver. Je ne sais pas comment ils s'y sont pris, ne me le demandez pas, mais en tout cas, c'est très réaliste. L'endroit est coupé du vent, protégé par les arbres en tout genre: châtaigniers, chênes et même un palmier, une fois encore l'on peu se demander comment ce dernier s'est adapté au climat. Pour le temps, c'était important qu'il fasse assez chaud, les agences ont toujours peur que leurs poupées en bikini attrapent froid! Pour Irvin que j'ai vu frissonner comme un pauvre malheureux, ça devrait être bien.

Je m'assois sur le sabre certainement importé ou peut-être pas... Qu'est-ce que j'en sais moi de la géographie de ce pays? J'ai passé mon temps en prison alors... Je goûte l'eau qui est belle et bien salée; si tout cela n'est que du faux, c'est vraiment très bien fait car l'on ne voit nulle horizon; et le coucher de soleil est magnifique. Nous sommes arrivés juste à temps.

Merde, j'ai zappé la présence de Grand Monsieur. Il donne une explication de ma mystérieuse expression à Alix, qui a l'air de pédaler dans la semoule un moment avant d'avoir la délicatesse de rougir. J'adore le mettre mal à l'aise, c'est tellement facile, comme de donner un coup de pied à un chiot. Est ce qu'il a fait une crise d'adolescence une fois ou quoi, parce qu'il est tellement prude que j'me demande si il ment pas sur son âge. Genre il a cinq ans de moins.
S'en suit une scène (touchant ? Bizarre ? Artificielle ? Je ne saurais dire) où Alix met ses pieds dans l'eau avant de venir me dire des trucs digne d'une sitcom. Moi je fourre mes mains dans mes poches et je tremble, ça me semble être la meilleure chose que je puisse faire.
... C'est quoi cette plage privée sortie de nul part là ? C'est artificiel, ça crève les yeux. Et c'était marqué propriété privée en plus, mais ça empêche pas Alix d'entrer, et ça empêche pas non plus Grand Monsieur d'avoir la clé. D'ailleurs c'est qui ce type ? Pourquoi il nous dépose comme ça gratis ? Ce que je sais, c'est que c'est pas un pote à Alix... Son employé ? Possible. En fait, ce gars est bien plus riche que je ne l'aurais cru, et il a une chouette bagnole, un grand costaud, une plage artificielle... En fait ce type avec qui j'ai passé tant de temps, bah je le connais pas du tout. Il ressemble pas au gars que j'ai connu en taule, il sourit tout le temps et est très naïf... Ça fait très artificielle, comme si y avait pas que le décor qui était en carton-pâte. Les gens aussi peuvent l'être.
Je tire une cigarette de mon paquet et l'allume. A ce stade là, j'ai un peu envie de vomir tellement je fume, mais ça n'a pas vraiment d'importance quand on se sent mal à l'aise.

- C'est joli ici.

La drogue rend démonstratif et au bord de l'hystérie. Je ne me drogue plus, je n'ai plus rien à dire. En plus, une plage artificiel, ce n'est pas ce que j'appelle « joli », un truc joli c'est une bonasse dans un magasine, c'est la Tour Eiffel, c'est un Macbook neuf, c'est pas une fucking plage avec du sable trop blanc pour être naturel. Je jette un coup d'œil au coucher de soleil. Ouais okay, il se défend bien, mais j'en ai vu un paquet depuis que je suis né et c'est... Décevant, je trouve pas d'autre mot. Des coloris basiques de orange et de rose, avec un peu de bleu. Pourquoi c'est jamais vert fluo ou marron ? Là ça serait fun. On nous invite à s'extasier devant les couchers de soleil, y a franchement pas de quoi en faire un caca nerveux, c'est juste une boule qui passe derrière l'horizon et qui fait plein de couleur, t'en as vu un t'en as vu cent.
Enfin j'me sens seul avec mes pensées con là...

- ... C'était qui le Grand Monsieur en fait ?

Cette question là en vaut bien une autre, c'est pour ça que je la pose. Rester le nez dans le vent en regardant l'horizon d'un air perdu, ça pouvait pas durer éternellement. Alix aurait fini par se poser des questions, s'en serait suivi un interrogatoire douloureux sur mes états d'âme. Nan mais sur ces trucs là, je connais ce type de gars qui veut pas te laisser tranquille avec toi même à méditer sur ta triste condition. Eux, il faut qu'ils te sauvent, sinon c'est pas bien la vie. Moi je dis pas, c'est très beau ce rôle salvateur qu'on est si prompt à s'accorder, mais ça me casse juste les couilles. Voilà quoi.

- Le coup de la bagnole, de la plage, du monsieur, c'était juste pour m'impressionner ou t'es vraiment pété de thunes ?

Je finis par me poser la question vois tu.

- C'est joli ici.

Je hausse les épaules, oui c'est joli, mais soudain, je me rappelle combien c'est artificiel. J'ai été trop longtemps en prison; du coup, j'ai vu le sable, l'eau... Mais pas le faux. Ce n'est dans mes habitudes pourtant, d'adorer le faux je veux dire... J'esquisse quelques pas; enlève mes chaussures et laisse mes pieds s'enfoncer dans le sable, vrai lui au moins. J'essaye de réfléchir à sa provenance, sa terre d'origine à laquelle il a été arraché pour finir ici; selon le plaisir de stylistes, de magazines et de millionnaires qui viennent passer seuls leur wee kend ici. Pourtant je me plais quand même sur cette plage. Sans doute ai-je la tête trop pleine pour vouloir m'embarrasser de principes ou de réflexions philosophiques.

-Oui. Dommage que ce soit artificiel. Quelle étrange idée il a eut.

Je parlais de Monsieur Clein qui nous a lâché là. On voit bien que je ne suis pas un "patron" exigeant. Cet homme fait ce qu'il veut de son employeur... Souvent il me ramène chez lui pour un petit repas en famille où ses gosses me tourmentent. J'avoue, j'adore ça! Ils sont adorables. Je m'assois finalement et regarde le soleil se coucher. Ca au moins c'est vrai! Et ça fait tellement longtemps que je n'en est pas vu... Encore plus de temps que je n'ai plus de souci à me faire; pas de dossier à remplir ou de comptes à rendre.

- ... C'était qui le Grand Monsieur en fait ?

-Mon agent me l'a assigné. Un peu comme une nounou quoi et je n'ai pas le choix, heureusement qu'il est sympa. Après ce qui m'est arrivé; il a peur que l'on s'en prenne à moi... Et l'agence qui me détestait, me protège aujourd'hui comme un diamant.

Je ne reste que pour Gabriel qui ne peut pas quitter l'agence comme cela. Je soupire et grimace un peu... Pas si libre que cela! Si je ne téléphone pas à Monsieur Clein dans deux heures; il acourrera ici à la vitesse de la lumière... Sans parler de l'enguirlande monumentale que je me prendrai quand il verra que je n'ai rien et que j'ai juste oublié l'appel de sécurité.

- Le coup de la bagnole, de la plage, du monsieur, c'était juste pour m'impressionner ou t'es vraiment pété de thunes ?

-La voiture, ce n'est pas la mienne, c'est un véhicule de fonction... Et mon agence ne fait pas comme moi; c'est à dire se contenter de peu. Je suis venu sans être sûr de te revoir tu sais, je n'ai pas envie de perdre mon énergie à t'impressionner. Tu as vraiment besoin de ça, dis-moi? Et moi, tu crois qu'après deux mois de rien, j'ai vraiment nécessité de ce luxe.

Je pose mes bras sur mes genoux que je ramène à moi, puis mon menton sur les bras, j'avais oublié cette plage, oublié l'artifice... Mes premières photos; la liberté et la fausse liberté en fait. Je regarde Irvin; il est franc, vrai, lui-même, je crois que c'est ça que j'aime chez lui, même si c'est dur d'y faire face parfois.

Et là, Alix lève un peu le ton, ce qui chez lui s'apparente à une colère noir. Peut être que je l'ai vexé en insinuant qu'il était un genre de micheton. Mais j'pense plutôt qu'il a pensé que je le traitais de petit bourge, un micheton il doit même pas savoir ce que c'est. Le monde merveilleux d'Alix, où je suis un mec bien, gentil, et désirable.
« I'm a barbie girl, in a barbie wooo-ooorld »
Il me regarde avec l'air du gars qui comprend pas comment sa vie a bien pu devenir si merdique en si peu de temps. Alix est jeune, il a encore une vision naïve de la vie. C'est bien, mais c'est pas mon cas. Il aurait très bien pu me montrer une grosse bagnole juste pour glisser discrètement dans la discutions qu'il avait plein de pognon...Si seulement j'étais pas moi. Figurez vous que je suis un peu vieux pour jouer ce rôle là. Et lui un peu jeune. Il aurait eu quarante ans et moi quinze, ça aurait peut être été possible. Là, non, c'est même ridicule de ma part de le penser C'est lui le jeune mannequin à faire bander un mort, pas moi. Puis il est tellement sentimental... S'attache trop vite, les jeunes c'est plus ce que c'était. Dans le temps on avait des principes : Trois mois de relation avant de dire « je t'aime » et deux ans avant d'emménager. Les enfants c'est six ans il me semble. Mais faut dire que j'ai jamais cru à ces choses là. Même quand c'était ma mère qui me disait « je t'aime ». Alix lui il m'emmène au bord de la mer et tout... En fait je pensais que me voir lui rappellerais trop de mauvais souvenirs et qu'il préfèrerait m'éviter une fois libre.
« Life in plastic, it's fantastic ! »
Dans le fond je suis vachement content de le revoir. Ouais. Et effectivement, il a fallu quatre/cinq posts pour m'en rendre compte. C'est quand il s'est assis dans le sable, je sais pas pourquoi j'ai pas résisté. En fait j'suis méfiant, mais j'pense que c'est la prostitution qui veut ça, tu perds l'habitude de donner pour rien du temps à toi, comme ça. J'ai jamais eu de relation de couple basée sur l'estime et l'affection en fait, en y réfléchissant. Alors forcément, dès qu'on me touche pas grassement les fesses en me promettant la miriade de chose qu'on va mettre dedans, je flippe.
Je m'agenouille derrière lui et passe mes bras autour de son cou pour les faire pendre mollement sur son torse. Quitte à être niais, autant le faire bien. Je place mon front contre son épaule, et une pensée conne me vient : « dans certains pays, je pourrais mourir pour ce que je suis en train de faire ». Je ne peux pas agir sur le monde entier, donc fin de la pensée humanitaire. Tu commence à mettre le doigt là dedans, et tu finis par faire circuler des tract pour organiser la première Gay Pride en Iran. N'importe quoi.
»You can brush my hair, undress me everywheee-eeere ! »

- Te fâche pas, j'voulais pas te vexer. C'était de la provoc' à deux balles... Mais oui, si tu avais eu cinquante ans et une petite bite, j'en aurais eu besoin, effectivement.

Sourire qu'il peut pas voir. Je recommence la provoc' à deux balles. Remarque, il peut prendre ça pour un compliment, il a pas besoin de me payer pour m'avoir. Je lui souffle de la fumée au visage, ça va lui piquer les yeux tiens. Bien fait, je sais pas quelle connerie il a fait, mais j'ai décidé qu'il l'avait bien mérité la fumée de ma clope. Vu que je fume près de son oreille, il doit entendre ma cigarette grésiller.
« You can touch, you can play, if you say : "I'm always yours" »

- Tu veux essayer la clope ? Ça te mangera pas...

Soit il me traite de drogué soit il dit non, mais en tout cas j'le vois pas fumer.

Pourquoi ces questions sur la voiture, l'agent de sécurité, l'endroit? Est-ce vraiment ce qu'il y a de plus important? Moi je ne trouve pas. Nous sommes là, débarrassé du cadavre puant de chien; et tant pis si ce lieu est factice, mon imagination réussit à le rendre vrai. La prison est un lieu artificiel lui aussi. Les barreaux n'empêchent pas les criminels d'agir, au contraire; la prison les forme ou les aide à s'améliorer. Regardez Jeff Stiller, au sein d'une prison, condamné à perpétuité, n'ayant plus rien à perdre; il a abusé de moi, observé par tous ses copains de cellule. Vous voyez? Moi qui n'avait jamais rencontré de drogue a part dans les mains de ces maudits collègues; j'en ai vu plus que vous ne pourriez jamais en voir en prison. Soyez prisonnier, discret et insignifiant, vous verrez alors la grande société qu'ils forment. Des messages passés sous la barbe des gardiens grâce à des codes; des trafics, des meurtres commandités de l'intérieur... Bref une fausse protection; parce que lorsque les truands sortent de là, ils sont encore pire; c'est un peu comme un stage en entreprise pour eux. Certains trouvent même la prison agréable!

Un innocent enfermé par hasard ou conspiration là-dedans sera sans doute délinquant en sortant. Je ne sais franchement pas comment j'ai fais pour tenir 4 mois là-dedans... En fait la haine m'a aidé, mais rendez-vous compte? C'est ce sentiment qui pousse au meurtre et à l'abomination qui m'a appuyé dans mon refus de la drogue, si j'étais resté plus longtemps; cette "bonne" haine aurait pu se transformer en dangereuse rage; et quoi... Et bien j'aurais fini comme eux. Je ne comprends donc pas pourquoi l'on ne pourrait pas se contenter de cet endroit factice de plage... Pourquoi Irvin me paraît si contrarié? D'accord, voir le cadavre d'un chien rempli d'asticots ne vous aide pas à sourire ensuite... Mais c'était bien avant! En me voyant, en m'emmenant dans sa voiture. Ok, là encore il a une excuse: j'étais habillé en femme mais après... Avant de trouver le squelette déguenillé du chien, il m'a vu sous mon vrai angle.

Je ne comprends pas, vraiment, je m'en veux... Je suis si naïf d'avoir cru que tout irait bien; que ce serait le bonheur absolu après avoir été sorti de là. Je crois que tout est perdu tout à coup mais il le dément... Irvin, que se passe-t-il dans ta fichue caboche? Voilà qu'il m'enserre; je n'accepte plus ce mouvement habituellement, surtout pas si l'on me prend pas surprise, par derrière... Mais c'est mon gardien, tout va bien, je le laisse faire et apprécie, calant sa tête contre mon épaule. Sa cigarette grésille contre mon oreille mais parce qu'elle lui appartient, je suis certain qu'elle ne me brûlerait pas.

- Te fâche pas, j'voulais pas te vexer.
C'était de la provoc' à deux balles... Mais oui, si tu avais eu
cinquante ans et une petite bite, j'en aurais eu besoin, effectivement.

Malgré moi je souris. Irvin et la provocation... Il s'est mariée à cette fichue femelle de sentiment lui... Elle ne le lâche plus d'une semelle! Mais sans elle, Irvin ne serait plus lui; il faut croire que mon cher gardien s'est trouvé une âme soeur. Une idée me trotte dans la tête depuis longtemps. C'est un projet très difficile et douloureux mais je dois m'infliger cette souffrance pour guérir la pire de toutes, et aussi... Peut-être trouver d'autres innocents à sortir de cette prison... Est-ce le moment d'en parler? Pas vraiment; je sais bien mais bon.

-Pour continuer dans la provocation, tu sais... Je dois faire un stage pour mes études de psychologie que j'ai reprit... Je faisais des études littéraires mais j'ai changé de voie, j'ai besoin de comprendre. Je voudrais faire ce stage en prison. Je sais, c'est fou, mais c'est ainsi. Le mal est le meilleur remède au mal parfois... Aux grands mots, les grands moyens.

Ma main droite se cale contre son visage, j'ai un peu de mal à cause de la demi paralysie mais ça va, du moment que je ne ferme pas le point, j'ai encore un minimum de contrôle et de force dessus. Je suis bien avec Irvin; penser que je pourrais être avec lui même s'il s'agit de travail en prison me rassure; je ne cherche pas son approbation... Ou plutôt si mais disons que même sans, je le ferai. De toutes manières après mon vécu je ne me vois pas faire mon stage dans une petite maison de retraites pour gentils vieux et vieilles traumatisés; encore moins dans un foyer pour jeunes délinquants... Trop proche de mes frères et soeurs à leur âge, je ne serai pas objectif. En prison, j'ai déjà eu mon stage d'observation; je sais comment la plupart fonctionnent.

- Tu veux essayer la clope ? Ça te mangera pas...

La cigarette ? Je soupire, lève les yeux vers lui et répond simplement... Envieux de lui faire plaisir, juste comme ça, parce que c'est lui.

-Ca te ferait plaisir?

Et je souris. Certes, pour la drogue c'est non mais je sais qu'Irvin ne m'en proposerait pas. Il ne me veut pas de mal, ne veut pas me détruire; c'est pour ça que je suis prêt à m'ouvrir un peu et accepter ce qui lui ferait plaisir. Ce n'est pas à sens unique; je souhaite aussi lui donner, lui offrir. Tant que j'y suis, je songe tout à coup... Et mince! Je crois que je suis tombé amoureux...

En fait, après ce qu'il me dit, souffler ma fumée de cigarette dans sa gueule était tout à fait justifié. Il veut rebosser dans la prison. Incroyable. Je crois pas que ce soi une bonne idée tu vois, soigner le mal par le mal, j'y ai jamais cru. Mais j'dis rien, j'suis pas son père, c'est pas à moi de lui dicter sa conduite. Enfin je crois. J'arrive pas à savoir si c'est une bonne idée en fait. Et quelque part, je suis content qu'il ne parte pas du Luxembourg. C'est pour ça que je dis rien. Et quand il pose sa main sur ma joue, je ferme les yeux, un vrai film à l'eau de rose.
Et ensuite ? La clope. Mais qu'est ce que mon plaisir personnel a à voir là dedans ? Oh, c'est un raisonnement à la Alix, je peux pas test. Par contre, je peux lui filer ma clope et lui faire goûter.

- Ben tiens, prends !

Je lui glisse la clope entre les doigts. A la main pas cassé bien sûr... Hey, qu'est ce que tu crois, que j'ai pas lu ton dossier ? Je sais que t'as une main défectueuse, tu vois que je m'intéresse... enfin j'ai pas fait de voyeurisme, rassure toi. Tout au plus vérifier que t'étais pas un serial killer qui violait ses victimes avec une bouteille de coca avant de les tuer à la tronçonneuse. Trois fois rien te dis je.

- Alors t'aspire la fumée, et pis de l'air après pour que ça rentre dans tes poumons. Je saurais pas te dire où est le plaisir là dedans, mais en tous cas j'le ressens.

J'suis pas un connard, j'te file le mode d'emploi quand même. Et j'esquive la question du « je retourne bosser dans la prison lolilol », bien qu'il faudrait que je l'aborde un de ces quatre. Genre maintenant en fait. Dieu, donne moi mes couilles, merci d'avance.

- ... T'es vraiment sûr de vouloir retourner dans la prison ? Ces histoires de soigner le mal par le mal... Je suis pas sûr. Enfin ça m'ferait plaisir de te voir squatter, mais faudrait pas que tu te fasse du mal pour ça gars...

J'ai exprimé aussi peu clairement que possible mon opinion, je peux mourir maintenant. Mais avant il faut que je m'assure qu'Alix ne meurt pas à cause du tabac – en s'étouffant avec par exemple, il en serait bien capable pour me faire chier tiens – mais il toussait même pas... Curieux, j'avais craché comme un tuberculeux la première fois que j'ai fumé.

- Hey, t'es doué pour fumer toi...

Je sais pas pourquoi, mais le voir avec une clope au bec, c'est tellement inhabituel et ça lui va tellement bien que... Ça fait tout chaud en bas, une douce chaleur. Voir ses lèvres se refermer sur le filtre... Je sais pas, c'est terriblement suggestif. Et tellement idiot de ma part. Mais bon, les mécanismes du désir, ça ne se comprend pas, et se contrôle encore moins. Alix n'a pas le charme de l'homme entre deux âges – que le premier qui n'ait pas fantasmé sur une liaison entre le Capitaine Haddock et Tintin me jette la première pierre – qui fumerait sa clope d'un air désinvolte en buvant un verre de Porto, et pourtant j'aime ça. Un truc tout con comme ça, sans drogue, ça fout foutrement le bien en dedans de toi tu peux me croire. Tu t'en sentirais presque en vie dis donc.

Apparemment ça lui ferait plaisir. Je souris, puis l'écoute, élève attentif et un peu stressé avouons-le. Des cigarettes j'en ai déjà tenu entre mes mains; d'ailleurs ces dernières étaient déjà allumées... Cependant je n'ai jamais aspiré, je retenais mon souffle, c'était du faux encore une fois, pour la pose. Il parait que ça me va bien, sauf que si j'avais du avaler une bouffée à chaque fois que l'on m'en mettait une entre les doigts pour les photos, je serai accro... C'est une technique assez répandue, c'est comme l'alcool dans les films. Les acteurs ne boivent pas vraiment ou alors, pour le champagne, c'est de l'eau avec une aspirine dedans pour le pétillant et du colorant... Et comme le sang aussi, enfin, moi c'était du vrai mais je jouais du faux avec ce vrai. Cependant je connais plus ou moins la technique, il fallait bien que l'on m'enseigne à faire semblant. Je prends donc la fameuse cigarette et l'approche de mes lèvres. Irvin semble paisible, détendu, et patient... Ce qui n'est pas dans ses habitudes. Quelque chose à changé en lui, je ne peux que le deviner! Rien que cette remarque qui me saute aux yeux... Bon sang mais c'est bien sûr! Il ne m'a même pas dit de fermer les yeux avant de fouiller dans ses affaires d'un air fiévreux... Irvin ne se drogue plus! Ou presque plus! C'est évident, après le cadavre du chien, il aurait été incapable de tenir... Déjà qu'en prison lorsqu'il était venu me voir, il s'était piqué deux fois en moins de deux heures.

Et là, il est détendu, même attentionné avec moi-pas qu'il fut brutal, mais romantique, jamais ça c'est certain-. Je souris encore plus, bon sang, je suis tellement heureux, certain que je ne me fais aucune illusion... Irvin va vraiment mieux, déjà ses mains ne tremblent pas et puis... Et puis je ne sais pas moi! C'est mon petit doigt qui me dit cela; ou alors mes yeux amoureux, je n'en sais rien. Je tire une bouffée, mais ne tousse pas comme prévu. On m'a bien apprit à faire semblant dit donc! Tellement bien qu'avec quelques conseils d'un prof avisé je sais sauter le pas et fumer pour de vrai. Mes yeux s'attardent sur lui... J'ai comme l'impression que ma façon de fumer lui fait quelque chose. Je n'aime pas vraiment le goût de la cigarette mais tire une autre bouffée pour vérifier ce que je pense être du plaisir chez lui. Cette fois j'y mets tout mon talent de mannequin; fermant à demi les yeux et semblant m'affaisser contre lui d'un air lasse, un demi sourire calculé, l'air mystérieux ou blasé comme vous voulez; oh oui, ça je sais faire! Séduire sans me laisser toucher, depuis que j'ai 16 ans on me l'apprend, laisser son empreinte tout en demeurant inaccessible. Bon là c'est différent car je me rends accessible à Irvin. Je remarque que coucher avec lui ne me dérangerait pas, ne me traumatiserait pas malgré ce que j'ai vécu; c'est dire la confiance que j'ai en lui si je ne me suis même pas posé la question... Savoir que ça ne le dérange apparemment pas non plus vu ses avances me donne encore plus envie. Cependant je m'applique à le séduire.

Il n'est pas un(e) prostitué(e), je veux vraiment lui donner envie; et non pas faire ça à la va vite comme s'il était acquis. Je m'amuse à l'imaginer réfractaire à mon charme, ce qui explique pourquoi je dois y mettre tout mon talent. Je désire vraiment voir l'effet que je lui fais en m'appliquant. Ce que pensent les photographes ou les autres je m'en fiche! C'est chez lui que je vois luire cette éclat de plaisir ou d'envie.

-C'est tellement bien que tu aies arrêté... On a tenu tous deux notre promesse...

Comment être plus heureux? Car oui, j'en suis sûr, la drogue s'en est fini, il y a quelque chose qui s'est libéré dans son regard quoiqu'encore douloureux! Les stigmates sont sûrement restés mais pourtant je SAIS, je SENS qu'il n'y touche plus ou tout du moins presque plus. On l'a battu tous les deux cette foutue drogue. Je tire une troisième bouffée d'un air expert et lui la rend.

-C'est bête... On nage en plein film à l'eau de rose, je hais le cliché... On est en plein dedans mais là, ça ne me gêne pas.

Oui, j'ai envie d'être fleur bleue, n'en éprouve aucune honte... Quant à Irvin, il a intérêt à céder à mon charme! Je suis sûr de moi pour une fois, je me sens parfait parce que j'ai envie de l'être pour lui... Pas dis que je le suis, mais je me sens dans cet état et c'est déjà quelque chose de très bien. Ca fait toute la différence. irvin insuffle en moi l'art de la provocation et de la force intérieure.

Je crois qu'il a remarqué que je ne m'étais pas piqué depuis un bout, parce qu'il me fait une grande phrase pour me féliciter de mon arrêt de la drogue. J'ai pas envie qu'il en parle, qu'il y touche, pas parce qu'il risquerait de souiller une prétendue victoire, mais parce que ça installe le truc dans du concret et que ça n'appartient plus à des luttes intimes : C'est officiel, je suis clean. Sortez les confettis.
Je reprends ma cigarette et en tire une belle bouffée. J'en ai besoin vois tu, parce que c'est pas rien de s'engager solennellement à ne plus prendre de truc, c'est miraculeux que j'ai tenu jusque là. Et toi tu saute là dedans à pieds joints, et en plus t'évite mes questions sur le boulot à la prison. T'as pas froid aux yeux pour m'esquiver comme ça.

- Dis pas que c'est bien avant de m'avoir vu en train de me rouler par terre défoncé au Tranxen.

J'exagère, je suis pas si malade que ça. Au pire quelques angoisses nocturnes sur des sujets un peu vide. Mais là nan sérieux ça va, Alix me tient vachement chaud tout collé comme ça. Il a changé depuis que je le connais, en positif je trouve. Il appelle moins à la baffe dans la gueule, et plus à l'envie de le connaître. C'est fou ça, je voulais juste le sauter moi de base. Discuter ça me fait vachement plus flipper quand j'y réfléchis, mais sur le fait ça passe tout seul. Oh bah je suis un être humain normalement constitué, trop bien.

- Allez on peut avoir l'air con sur une plage, personne nous espionne là, on pourra pas nous faire chanter, reste tranquille.

Pour appuyer mes propos je lui caresse la poitrine d'une main en l'embrassant sur la clavicule avec des gestes lents. Lents, mais pas automatiques, je suis obligé de mettre un tas de trucs de coté et d'en affronter d'autre pour retrouver ces gestes là. Ils sont moins simples. Mais j'les fais quand même parce que j'me force et puis... Il est gentil Alix, je l'aime bien, il est mignon même, très, mais c'est pas une question de ça ça n'a rien à voir. Je ne saurais pas expliquer précisément le problème mais il serait bien plus simple pour moi de me masturber devant une photo de lui plutôt que de le toucher en vrai, là, maintenant. En fait, dans l'intimité de ma tête je peux bien le penser : J'ai la trouille ! Il m'excite, c'est pas le problème mais... Mais. Je sais pas. Je passe le bout de la langue sur un coin de son oreille, et j'ai très mal au ventre. Je passe ma main sur l'arrière de sa cuisse (très accessible puisqu'il a remonté les jambes), et je sais que je dois aller là parce que c'est une zone érogène. Tout théoriser comme ça c'est sale, mais j'ai pas trop le choix. J'ai très rarement fait l'amour clean, j'ai peur de la douleur ou des machins comme ça dont on souffre facilement quand on est dans son état normal.
J'aspire une dernière bouffée de ma cigarette avant de la jeter.

- Attends... On peut jouer une scène moins clichée aussi.

Je lui souffle ça à l'oreille. On peut même pas dire qu'on est dans des préliminaires proprement dit, mais j'accélère volontairement ma respiration, très légèrement. Un (faux) signe d'excitation. J'ai dix ans d'entrainement derrière moi, il est inexpérimenté. Je me sens parfaitement capable de simuler, sans même essayer, juste parce que j'ai une trouille bleue venue d'on ne sait où.

Je ne sais pas ce qu'est le Traxen mais suis intimement persuadé -peut-être trop naïf encore une fois- qu'il ne touche plus à cette saleté et veut seulement jouer les modestes de peur que tout son projet rate. Du coup je m'en veux un peu de lui avoir rappelé ça; ce n'est pas très psychologue et c'est sensé être mon métier parallèle... Bravo tiens. Cependant mon gardien semble avoir oublié qu'il se trouve sur une plage artificiel; il a l'air de s'en donner à coeur joie maintenant. D'abord ce voyou me demande de me tenir tranquille puis commence à m'offrir quelques caresses. Il sait y faire, pas de problèmes; je suis immédiatement sous le charme. Tout à l'heure j'ai volontairement évité sa question sur la prison; est-ce une bonne idée? Je n'en sais rien... Mais c'est la seule que j'ai. Je ne pourrait pas vivre éternellement de séances photos et d'ailleurs, ne le souhaite pas. Un mannequin faisant de hautes études de psychologies...Ah ah, on aura tout vu! De quoi casser le cliché quoi. Je souris pour moi-même en pensant à ça; de toutes manières si ça ne fonctionne pas, je peux reprendre mes études littéraires alors, je ne me sens plus acculé... Je suis jeune, peut retomber sur mes pieds. Avec Irvin je me sens plus fort que je ne le suis. C'est certain et très agréable aussi.

-Moins clichée... Vraiment?

Évidemment, je ne devine rien d'anormal. Pour moi il a vraiment envie de me faire l'amour, maintenant; ça se sent à sa respiration... J'ai vraiment dû l'affamer pour qu'il en soit à un tel point. Je souris et l'embrasse sur la commissure des lèvres. Au fond j'ai peur, mais c'est avec lui; tout se passera bien cette fois-ci... Pas de Jeff, juste Irvin, tout va bien; sans public vicieux non plus! A moins que la mouette qui se soit posé à dix mètres de nous le soit mais j'en doute fortement! Tout ce qui l'intéresse c'est le petit crabe qui passe sous nos jambes... Ouah !!! Ils ont même poussé le vice jusqu'à importer des crabes. J'avoue, ils sont trop forts!

-Voudrais-tu que je t'appartienne pour cette fois?

Je voudrais essayer l'expérience bien que je sois mort de peur à l'idée... Mais appartenir volontairement à quelqu'un me tente franchement; comme si j'avais besoin d'une comparaison entre quelqu'un de forcé et une relation voulue en ce sens. On dirait que je souhaite m'en remettre totalement à Irvin; peut-être que lui aussi voudrait changer l'ordre des choses pour une fois? Surtout que question caractère c'est quand même Irvin le dominant.

A suivre...

C'est involontaire, quand Alix parle je me crispe. C'est pas possible d'être si bien et en même temps si con. Lui c'est pas possible on l'a nourri au porno des années quatre vingts avec une bonne dose de stéréotype. En voilà un jeune qui pense que se faire enculer implique une insupportable notion de soumission. Et les mecs qui aiment bien qu'on les fiste, ou qui sucent, c'est quoi ? Y a un cliché sur leurs profils psychologiques pour ceux là aussi ? Et si on étend le stéréotype, les mecs qui aiment bien le jardinage, c'est parce qu'ils ont mal surmonté leur complexe d'Oedipe ? Alix, si je le fais, je prend pas possession de toi corps et esprit, je te pénètre avec un corps caverneux, rien à voir. Faudrait que je lui explique ça un jour, ça et le reste, la vie quoi.

- Non tu m'appartiendra jamais, par contre je veux bien t'enculer. Petite pause. Seulement si tu me sors plus une périphrase à la con qui fait débander.

Bon, avec une semonce pareille, il peut pas récidiver. Et si il le fait, je lui tape sur les doigts avec un bambou taillé en pointe. Bref, problème réglé, passons à des activités plus intéressantes. Je l'attire vers moi et l'embrasse à pleine bouche (j'ai jamais compris le sens de cette expression, mais oui j'ai la bouche pleine).

*** Élégante ellipse. ***

Je jette mes fringues sur moi. Il a été difficile d'arriver à mon sexe dans la mesure où j'étais fringuer pour affronter une tempête de neige, mais là ça m'arrange en fait, parce que une fois que tu remues plus, il fait froid.
Et à la réflexion, même avec un tas de fringues sur moi et collé à Alix, j'ai super méga froid. C'est pas tenable. J'enfile sans conviction une chaussette (dévoilant ainsi sans pudeur quelques parties de moi même en levant la jambe), mais je sens que même vêtu, je vais mourir.
Hm ? Quoi ? Ah oui la partie de ça-va-ça-vient... Ben c'était bien. Enfin je crois. Pour lui peut être, moi j'ai simulé. Ne prends pas cet air indigné je te prie, d'une j'ai ménagé avec brio son égo de jeune homme débutant sa vie sexuelle, de deux c'est une manière légitime et correcte de gagner du temps. De plus, les capotes avec réservoir et la mer à proximité permettent un tour de passe passe que j'ai exécuté de main de maître. Hop que tu noues le machin et zouip que tu le balance à la flotte que monsieur n'a même pas vu qu'il était vide. Magie magie ! Et puis de toute façon, se livrer à un examen malsain sur ce genre d'accessoire n'est sûrement pas le genre d'Alix.
Et tandis que j'avais du sable jusque dans les trous de nez, j'ai cette réflexion qui me vaudra sûrement un Nobel (je sais pas lequel par contre) :

- Je crois qu'on a besoin d'une douche. Chaude.

Irvin, toujours romantique après l'amour. En fait d'habitude j'encaisse et je me casse, alors prends ça pour une démarche incroyablement courageuse de ma part, je te prie. J'enfile mes sous-vêtements, et l'autre chaussette. Je sais qu'un jour j'y arriverai gars, t'inquiète pas. Avoues que j'ai été formidable, un timing d'enfer. J'ai simulé comme un chef, j'ai soupiré au moment le plus opportun. Brillant tout simplement. J'espère juste que le sable lui a pas fait mal, mais je l'ai pas entendu hurler à l'agonie, ça devrait aller. Puis j'avais du lubrifiant (dit il pour se justifier).
Je lui tourne le dos pour enfiler mon jean (plein de sable), mon T-shirt (sablé aussi), et tout ce petit bordel tout chaud. Puis j'allume une clope.

- T'en veux une ?

- Non tu m'appartiendra jamais, par contre je veux bien t'enculer. Seulement si tu me sors plus une périphrase à la con qui fait débander.

C'est surtout ma tête qui doit faire un drôle d'effet. Mon regard n'a plus rien de séducteur sinon interloqué. Irvin est le roi de la provocation, je le sais déjà et m'y suis risqué... Sauf que ce terrain est trop glissant pour moi au final puisque je me retrouve acculé. Franchement Irvin abuse là! J'essayais d'enrober les choses, de rendre ça poétique... A la hauteur de l'endroit quoi... Et lui, il revient mettre les pieds en plein dedans, dans le plat je veux dire! Mon cher gardien n'a pas l'apparence viril mais on peut dire que son égo l'est. Comme si un peu de romantisme pouvait le mordre! Moi j'aime bien le romantisme, c'est agréable et doux sans ce monde de brutes... Mais il faut croire que pour beaucoup c'est la honte de se montrer tendre et affectueux; encore plus sur le sujet qui en aurait le plus besoin soit l'amour. Mais bon, je ne m'offusque pas puisque c'est Orvin. Je suis du reste assez surprit qu'il accepte. Et bien oui, j'avoue! Je lui ai proposé ça en croyant qu'il refuserait, et maintenant qu'il accepte... J'ai peur, ah ah je suis malin tiens du coup; et oui, le romantisme passe par la complication alors qu'on pourrait faire simple. Mais c'est ce qui fait son charme, n'est-il pas?

Jouer le rôle inverse ne semble pas déranger Irvin qui s'attèle avec plaisir à sa tâche. Bien vite j'oublie mes craintes, ce qui confirme mon premier sentiment! Pour être aussi vite en confiance, même après des mots brutaux que je supporterais pas en général, je dois vraiment être amoureux. Lorsqu'il m'allonge sur le sable je soupire, ferme les yeux et lui rend ses caresses tout en essayant de me détendre. C'est assez facile j'avoue, comparé à la dernière fois... On ne m'a ni focé ni sur le point d'entrer en prison; justement! Pour cette seconde fois- à moins que vous ne comptiez un abus comme un passage à l'acte- je suis libre, et surtout amoureux.... Aie aie aie ! Après la prison, voilà que je m'enferme tout seul.

-Je la trouvais jolie moi, cette périphrase

Fausse reproche, amusement dans ma voix pour sa brutalité. Irvin fait son gros dur, ça ne marche pas avec moi! J'ai encore l'image du gardien revenant avec son sachet plein de tablettes de chocolat, n'ayant su choisir laquelle me ferait le plus plaisir. Il ne va pas me faire croire qu'il n'est pas sentimental après ça!

Je fais tout pour que la distance entre nous s'amenuise après l'avoir déshabillé avec lenteur- dans le but de savourer chaque instant- puis un peu plus d'impatience vu le nombre de vêtements qu'il se trimballe sur le dos... La chose m'a fait sourire, même pas arrondir les yeux; c'est Irvin, ça ne me surprend pas... Jamais! Bon d'accord son expression de tout à l'heure oui mais ça ne compte pas... Ou presque pas!

Et quand il prend possession de moi je pousse un léger gémissement, la douleur s'atténue petit à petit pour laisser apparaître le plaisir. Je trouve la préiphrase de tout à l'heure parfaite! Car je me suis bien donné à lui après tout. Là, entre ses bras, je suis totalement sien, ne cherchant d'ailleurs nullement à m'échapper. J'aime cette sensation de protection; le fait que quelqu'un me domine parce que je le veux bien. Les gémissements que mes mains encore maladroites-avouons-le- arrachent à Irvin me font cependant comprendre que je sais agir au moment où il faut. Je suis très heureux de lui prodiguer du plaisir, ce qui ne fait qu'augmenter le mien.

Evidemment, et heureusement d'ailleurs tout à une fin. Mon endurance s'amenuise, je halète autant de plaisir que de fatigue lorsque le paroxysme est atteint. Après ça, je me laisse couler entièrement sur le sable, m'étend sur le côté pour me reposer un peu tandis qu'il se rhabille; visiblement victime du froid qui l'agresse en permanence. Moi je ne tremble pas, je suis bien là; me reposant tranquillement tout en lorgnant l'eau; laquelle m'appelle à grand renfort de petits remous aux sonorités agréables.

- Je crois qu'on a besoin d'une douche. Chaude.

-Je suis bien d'accord

Vraiment chaude j'en doute... Mais je me dirige vers l'eau, n'ayant ni serviette de plage ni peignoir je m'y dirige nu et me plonge dedans; histoire que le liquide transparent me serve de vêtement. Aussitôt les grains de sable qui s'étaient infilitrés dans mes cheveux d'ébène disparaissent, ceux collés au dos aussi. Ca fait vraiment du bien! Cependant elle n'est pas très chause, c'est sûr. Je fais quelques mètres de brasse, ayant un peu de mal à nager depuis ma blessure au poignet mais m'en sortant honorablement et m'approchant d'Irvin qui se trouve assez prêt; mine de rien, jouant avec des remous d'eau prêt de lui je lui parle de ce sujet auxquel je ne pouvais échapper malgré le fait qu'il ne me l'ai ni rappelé, ni reproché.

-Pour mes études... Je veux dire mon stage de psychologie, je trouverais ça hypocrite de ma part et stupide aussi d'aller étudier dans une maison de retraite ou un cabinet traitant des problèmes de coeur des ados... J'ai été en prison Irvin; pour rien... Alors oui, j'ai besoin de comprendre, et même s'il n'y a rien à comprendre, de faire face... Sans quoi j'y penserai sans cesse; c'est étrange... Plus quelque chose nous a fait mal, plus on y pense en général. J'ai besoin de tout voir, dont l'autre côté du miroir. J'ai vu ce que c'était qu'être un prisionner, mais un gardien? Etudier avec des livres ce qui se passe dans la tête de véritables meurtriers ou violeurs, truands; mafiosos etc... Surtout que je pourrais peut-être les aider, vu que j'ai été en contact direct avec les prisonniers. Je vous jure que la prison n'est plus la même vu de là, directement au coeur des choses! Je suis au courant de toutes les magouilles ou presque. Mon dernier but là-dedans est d'aider un ou deux cas que je pensais sincèrement être innocents, comme moi. Je n'en suis pas sûr mais ça vaut le coup non? Et l'accès à leur dossier m'aidera peut-être qui sait...

-Irvin, j'ai conscience que je devrai faire face à des cas horribles, des meurtriers ou peut-être même lui là, Jeffe Stiller... Celui qui m'a fait tant de mal là-bas. Mais il y a aussi des gens opprimés dont tout le monde se fiche. J'ai vécu ce qu'ils ont vécu ou une partie tout du moins. J'aimerais leur montrer que des personnes peuvent les comprendre. Je ne peux pas oublier mon emprisonnement alors que d'autres sont dans mon cas, mais n'ont pas eu la chance de recouvrer leur liberté...

Je sors de l'eau et m'habille, habituellement je suis pudique mais là, je suis tellement plongé dans mes pensées que ça m'est bien égal de sortir de l'eau sans qu'il ne tourne les yeux. Je revêt mon pantalon et finalement ma veste, passant mes cheveux mi long par-dessus et les tordant pour faire s'écouler l'eau qui dégoûline. Je remarque aussi que Irvin me propose quelque chose

- T'en veux une ?

-Non merci. Plus tard peut-être

Mes pensées s'embrouillent, une cigarette me ferait du bien... Mais ça m'est interdit, en plus, je ne préfère pas commencer; craignant de devenir dépendant.

-Malheureusement, je n'ai rien de l'étoffe du héros... Mais bon, apporter ma petite contribution serait déjà un premier pas n'est-ce pas?

Alix était au taquet. Pas moi. Suite à ma suggestion de douche, il ne s'est pas rué vers son appart' sans doute chauffé avec un bon lit bien douillet... Non, il ne fait pas parti de cette catégorie de tarlouzes qui se contentent de se verser de l'eau bouillante sur la gueule et qui en plus y prennent plaisir. Alix, lui, il se jette dans de la flotte qui a trainé dehors toute la sainte journée et ça lui fait même pas peur. Au pire un léger frisson. Ma peau prend pendant ce temps une ravissante couleur bleutée et mes lèvres deviennent violette. Pas besoin d'un miroir pour le savoir, je me connais comme si je m'étais fait. Alix, comme un abruti fait glou glou dans l'eau et je m'éloigne en poussant sur les pieds de cette vilaine eau qui risque de me refroidir d'avantage.
En fait, la stratégie d'Alix me paraît claire soudain : Il compte me ranger à son opinion en me torturant au froid. Oui mon cœur si tu veux, un stage dans une prison c'est une idée merveilleuse, surtout quand on s'est fait battre comme du plâtre dedans. Oui on peut aider les gens en prison meutrier violeur pédophile multi-récidiviste pas de problème, oui c'est très logique, je suis bien d'accord avec toi, et si tu veux je me baladerai en tenue de soubrette et sans culotte dans ta chambre toute la sainte journée et tu pourras m'enfoncer des trucs dans le derrière, tout ce que tu voudras.
Mais je t'en prie sortons de là je me gèle le cul.
Il refuse ma cigarette et se rhabille. Je suis fatigué je l'ai même pas maté. Dieu que je tombe bas. Je me rallume une autre cigarette (que j'avais commencé à sortir pour lui de mon paquet), mes lèvres asséchées par le froid collent au filtre et me font mal quand j'arrache tout. Petite trainée de sang luisante sur la clope, et Alix me demande mon avis.

- ... V-v-voui.

Irvin, l'amoureux des grandes causes, et surtout du débat, de l'argumentation, de l'expression de son opinion sur de grands et beaux sujets humains.
Ou pas.
Merde, j'aurais dû piquer les fringues d'Alix pour les mettre par dessus les miennes pour me réchauffer un peu. Lui il s'en fout il sent pas le froid visiblement. C'est pas mon cas. Je subis à l'insu de mon plein gré un dérèglement de moi même en dedans de mon corps qui perturbe ma perception du chaud et du froid. Et il faut dire que je ne suis pas gros et que je suis crevé parce qu'on s'est enfilé comme des caddies dans un supermarché. Bref, un moment de grande classe et de charisme époustouflant. Fermez les yeux ça fait mal. Je resserre mes bras autour de mes cuisses pour les rapprocher de moi et trembler avec conviction. Même claquer des dents je le fais tellement je suis motivé. C'est pas possible, Alix va finir par avoir pitié de moi et me proposer minimum un chocolat chaud, non ? En fait idéalement je rêverai d'un grand lit avec une couette énorme, des draps en soie sauvage et un radiateur dedans (genre Alix, mais en plus chaud). De la chaleur, merde. Les cicatrices sur mes bras dues aux piqures deviennent bleues, c'est que j'ai très froid. Mes ongles aussi. D'ici peu, je tomberai en morceaux gelé sur le sable glacé. Même fumer devient relou parce que la main qui tient la clope est obligée de sortir de ma manche pour que je puisse tirer, du coup.

- On p-p-p-p-peut p-p-pas aller d-d-d-dans un end-d-d-droit ch-ch-chaud ?

Ouais, au cas où il aurait pas compris que j'étais en train de mourir de froid, on sait jamais hein. Irvin il est bleu comme les shtroumpfs. A le faire trainer comme ça dehors, il risque d'attraper la grippe A. Ou une autre maladie, genre la pneumonie, mais c'est moins grave ça. Attends mec, la grippe A quand même. Pas la rhinopharyngite, la grippe A ! On en crèvera tous ! Wazaaaa !

- At-t-t-tends m-m-m-m-mec v-v-v-vu mon âge, f-f-f-faut mieux pas m-me laisser d-d-d-d-d... - Je claque des dents avec frénésie t'as vu ? - d-d-dehors nan ?

C'est ouf, j'ai l'impression que toute la chaleur de mon corps essaye de s'échapper à l'extérieur de moi même pour aller voir si elle serait quand même pas mieux genre dans une boîte à Paris ou à Ibiza.

Je me rends compte que Irvin à froid, vraiment froid... Ce n'est pas le petit courant intempestif qui froisse votre échine mais bel et bien des tremblements dignes précurseurs d'un séisme! Et dire que je n'ai rien vu! Je ôte aussitôt mon pull bien que maintenant, ce soit moi qui frissonne comme un fou à cause de mes cheveux trempés et lui enfile d'office la veste sur le dos. Que se passe-t-il? Irvin fait-il une espèce de crise maladive dûe à la drogue ou même à sa santé fragile? Après tout je ne sais rien de lui ou presque... Peut-être est-il malade? Je l'enjoins à se taire

-Chut! J'appelle la voiture.

Aussitôt je prend le téléphone et compose le numéro de Monsieur Clein en lui disant de bien mettre le chauffage à fond, quitte à ce que lui-même suffoque. Le pauvre...Avec sa carrure ça ne va pas rater, mais bon, je ne veux pas que Irvin vire au vert, après avoir atteint la jolie couleur bleue. En attendant je me serre contre lui et l'enlace pour le réchauffer, frottant son dos... Malheureusement je ne suis pas bien gros non plus et ma chair ne risque pas de lui apporter beaucoup de réconfort... Mes cheveux mouillés encore moins.

Lorsque Monsieur Clein arrive enfin, je lui ordonne du regard de ne poser aucune question et guide mon très cher gardien jusqu'à la voiture. Un millier de questions s'échappent de mes pensées: dois-je me contenter d'attendre à ses côtés dans l'endroit clos de la grande voiture dont le chauffage dégage une douce et tendre chaleur ou bien dois-je me précipiter à l'hôpital? Je ne sais pas ce qu'a Irvin mais cela ne peut pas n'être qu'un simple coup de froid; il peine à parler, a presque prit une couleur bleue ou... Soit, encore pire, l'a bel et bien attrapé. Pourtant je n'ose poser de questions ou faire un seul mouvement. Je reste stupidement assis dans la voiture; craignant de briser tout cela en éclat si jamais je bouge; comme si mon corps risquait de voler la chaleur si jamais j'esquisse un seul mouvement.

Un soupir sort de mes lèvres tandis que je regarde Monsieur Clein revenir à la voiture, un air perplexe plaqué sur son visage de colosse... Vraiment, je ne vois pas quoi dire ou quoi faire lorsque ce dernier s'installe sur le siège avant. Je sais que le véhicule d'Irvin est garé dans la petite courette de mon appartement; logique imparable! Sans doute que Monsieur Clein a délogé les asticots de là-le pauvre! Heureusement que lui au moins n'est pas chochote- mais pas osé nettoyé le reste. Je ne sais pas trop au final.

-Tu veux venir chez moi? Ou que je te ramène ? Tu pourras venir chercher ta voiture plus tard...

Evidemment, j'espère qu'il accepte mon invitation! Je lui ai précisé que c'est un petit appartement et c'est bel et bien le cas; rien n'est luxueux sinon les produits cosmétiques que j'utilise, pas le choix. J'espère qu'il m'a écouté lorsqu'il m'avait demandé la description et ne se laisse pas intimider de cette façon.

[SURPRIIIIIIIIIIIIISE !]

- Azy touche moi pas t-t-t-t-t'es mouillé

Ah mais chut, parce qu'on appelle la voiture. Alors il continue a me prendre dans ses bras humides, avec ses cheveux froids et me frotte le dos pour tenter de me réchauffer avec sa main mouillé. Bon, okay, ça partait d'une bonne intention, mais quand il fait vraiment froid c'est pas trois pauvre frottement dans le dos qui vous sauve. Mais j'aime beaucoup l'attention, c'est mignon. Il est toujours plein de bonne volonté ce petit, c'est réconfortant. C'est sans doute pour cette raison que je l'ai pas violemment poussé loin de moins en hurlant. Et en plus on vient de faire l'amour, alors bon, c'est pas des choses qui se font, même si on a vachement froid, alors j'me colle à lui style ça fait trop plaisir de se faire réchauffer par un mec mouillé.
...
Putain la voiture s'est pointé vite, j'ai même pas eu le temps de mourir. Bon j'ai bien commencé mon agonie, mais on vous coupe toujours dans vos trucs avec des conn... Bref. J'suis bien content de la voir, cette voiture, surtout que vu la gueule qu'elle a, y a sans doute le chauffage dedans. Dans la mienne aussi y a du chauffage, mais seulement en pleine canicule, et tu peux même pas fermer la portière ou boucler ta ceinture sans te cramer les doigts. Remarque en matière de sauna on a pas encore fait mieux, si tu aimes qu'on remplace l'odeur chelou des pierres par une odeur de merde et de bête crevé. Surtout de merde en fait, ça m'étonnerait même pas d'avoir chié dedans. T'façon, après le coup du chien mort, je vois pas ce qu'il pourrait ne pas y avoir dans cette putain de bagnole. M'en fout, je l'aime quand même fort fort dans mon cœur, c'est le seul truc de sexe féminin qui peut se vanter de ça.
Oh mon dieu, rien qu'à un mètre de la voiture il fait plus chaud, je vois le conducteur suer à grosses gouttes, oh mon dieu oh mon dieu. Vite balance moi là dedans Alix, putain limite je re-bande. Oh oui oh putain oh oui y fait chauuuuud dans sa Titine ! Ah c'est trop bien ça pique déjà les doigts de se réchauffer comme ça !

- Ah m'en fous tant qu'y fait chaud !

Ça, c'était la réponse au « on fait quoi on va où ? ». Bon écoute sérieux je m'en cogne, j'suis d'jà content d'être là. C'est vrai quoi, en compagnie d'Alix, l'improbable devient possible, comme le fait que le joueur rejoue après une pause d'un mois et demi – nan sérieux j'suis pas passé loin de la mort là. Nan 'fin bref, faut que j'lui donne une réponse au petit là, des endroits chauffés y en a plein, c'pas précis d'dire ça.

- Bon, va pour ton appart'. Petite pause, et là je sors dans toute ma classe – parce que je sais que t'es pas assez abreuvé de connerie là – échoué comme une baleine sur le siège avant : Putain t'es musclé monsieur, c'est cool ! Là dessus je lui tripote le biceps d'un air appréciateur. Mais j'arrête vite, j'ai peur qu'Alix m'assassine sauvagement. Puis Grand Monsieur à une tête d'hétéro, il pourrait mal le prendre, mais c'plus fort que moi faut que je fasse chier le monde de cette façon là précise, le coté salope sans aucune classe, comme le thon relou en soirée qui multiplie les allusions sexuelles alors que tout le monde s'en fout. Mais oui tu vois de qui je parle, de la nana en manque de cul qui fait un mètre cube, bah moi j'suis un peu dans ce style là. Nan mais j'te jure, à la fin on a presque plus honte. C'est tout à fait vivable comme stéréotype.
Je m'allume une cigarette, prenant même pas la peine d'ouvrir la fenêtre. Je sais pas, j'ai besoin de compenser mes humiliations récentes – le chien, la simulation, le coup de froid – en faisant chier un maximum en un temps minimum. Tout un programme. Puis j'me mets à tousser comme un tonneau, ah ça, la bronchite elle me pend au nez là. On parie que cette nuit je suis beurré de fièvre ? Même pas la peine là, c'est un coup sûr. Allez, vas y parie face à moi tu perds, je sais forcément mieux que toi ce qui va se passer.

» Adieu Lumière [PV Irvin Durand]
» Irvin Durand.
» I am nowhere. [Jay' + Irvin]
» Somebody's watching me. PV Irvin
» L'enfer est-il endothermique ou exothermique ? [Irvin]