Somebody's watching me. PV Irvin

Il a fallu que je monte dans une voiture, avec mon sac sur les genoux, et un autre à peine plus grand et chargé dans le coffre. J’étais coincé entre la portière gauche arrière, et un mec que je connaissais pas, et j’ai passé mon temps à regarder par la fenêtre en faisant ma meilleure tête de corbeau pas sympa histoire que personne ne vienne m’ennuyer. Ca a pas tellement marché, mais en répondant seulement « hn » les possibilités de conversation s’amenuisent largement, et le mec à ma droite a fini par me lâcher (bien obligé de toute manière).
Maintenant je suis devant les portes, à attendre patiemment qu’on vienne m’ouvrir. J’ai pas trouvé où fallait sonner (s’il fallait), et donc j’attends. Après avoir détaillé du regard les portes et leurs environs immédiats, et n’avoir pas remarqué de sonnette ou quoi que ce soit de ce style, je pousse un soupir, planque mon nez dans mon écharpe après, et mes mains dans mes poches. Il fait vachement froid (normal on est en décembre), et j’aimerais bien que quelqu’un, n’importe qui, se radine pour venir me ramener à l’intérieur. Je détaille d’un regard sombre (enfin mon regard normal quoi) les bâtiments qui me font face.

« J’suis pas sûr que ça soit chauffé ça … »

Sombre perspective d’avenir, pourquoi j’ai postulé à ce taff déjà ? Ah oui, c’est nourri, logé sur place, et pas mal payé. Et j’aime bien taper sur les gens. Ah oui, c’est vrai. Je fais la moue, regarde sur le côté, et resserre un peu mon écharpe autour de mon cou.

« Ooooh y’a quelqu’un, je caille ! »

Croisons les doigts.

Ah, tiens, aujourd'hui je bosse ! Non mais me regardez pas comme ça, ça m'arrive, et puis je suis pas tout le temps défoncé non plus nan mais oh. Sinon j'aurais perdu mon boulot, quand même, c't'une faute professionnelle de sniffer de la cocaïne et de fumer du crack sur son lieu de travail, me semble t'il. Ca s'rait p'tète même illégal, pour tout dire.
Donc, aujourd'hui, il paraît que je dois dire coucou à un nouvel employé et lui montrer sa piaule – et seulement sa piaule – moi j'veux bien, mais bon, c'est pas forcément une bonne idée. J'ai plus une tête à faire visiter un bordel qu'une prison, en fait, c'est ça mon problème dans la vie. Paraît que ça vient du fait qu'un junkie se prostitue forcément pour payer ses doses, ou alors il vole, et comme j'ai pas une tête à voler, bah j'me prostitue, forcément. Alors que bon, j'me drogue pas tant que ça en fait, là voyez j'ai rien prit du tout, mis à part des clopes. Et la nicotine, c'est strictement légal, et tout le monde fume dans cette prison en plus. J'ai rien fait de mal !
Donc Machine – appelons ce gars qui sert à rien, là, à l'entrée, Machine, ça lui va rudement bien – me donne des papiers avec une jolie photos et un... CV. Moi comme un con je survole ça, et j'ai bien failli m'étouffer avec la fumée de ma cigarette. Ce mec était acteur porno ! Je regarde sa photo une seconde fois, et je peux pas m'y tromper, ce type a joué dans « la chevauchée fantastique », j'ai pas la berlue putain ! ... Non je l'ai pas vu, enfin si, un tout petit peu, c'était pas exprès il y avait un lien dans marmitton.com, un site de cuisine, et même que j'ai pas retenu tant que ça la gueule du mec hein, y a juste de la ressemblance, c'tout, c'rien, je sais rien j'ai pas vu.
... Mais bon dieu la taille quoi !
Non, en plus ce mec, il faisait bien ça quoi, bordel, et euh voilà quoi. J'ai éjaculé sur ma télé, c'est dire. Enfin bon, une petite photo suffit pas à affirmer que c'est lui, faut que j'le voit en face de moi, si ça se trouve, c'est juste une curieuse ressemblance, et une lumière particulière au moment de la photo blah blah blah...
...
Non, pas de doute possible, je le voit de loin, je SAIS que c'est lui -je l'ai vu en petite tenue quand même, je sais à quoi il ressemble – même taille, même coupe de cheveux, même corpulence, même... Tout ! Et surtout même bite quoi, enfin j'espère.

- Bonjouuuuuur !

Difficile de garder son sérieux quand on est face à un mec qu'on a vu simuler un orgasme façon une truie épileptique. Je glousse, donc. Comme ça, au moins, je suis pas grillé direct, c'est ça qu'est bien. Je me souviens plus du nom affiché dans le générique – un peu de mal à lire après la branlette – mais là je l'ai sous les yeux : Jayden O'clock. Mort de lol le nom quoi.

- Bienvenuuuuue !

J'ai vraiment du mal à garder mon sérieux, parce que la seule image qui me vient en tête c'est un mec qui met sa main dans le trou d'un autre en disant « t'aime ça hein ? », moi je dis : Vive le porno, si ça peut permettre des situations ubuesque comme ça. J'allume une clope en gloussant, et je vous jure que c'est pas facile de tirer dessus en souriant comme un con.

Et après m’avoir fait poireauter juste assez pour que je sois bien saoulé, y’a enfin quelqu’un qui se ramène, avec une clope à la main, et des tas de gloussements qui s’échappent de son corps malingre. Manifestement, ce truc est de sexe masculin, par contre savoir ce qu’il me veut ça restera un mystère, parce que je suis persuadé que je l’ai jamais croisé, j’le connais pas. J’m’en serais souvenu sinon quand même (à moins d’avoir quelques bons verres de whisky dans le nez, ça m’arrive, mais pas si souvent que ça). Bref je le dévisage avec mon meilleur air froid, et balance avec ma voix de jaguar enroué :

« Qu’est-ce qu’il y a, t’as avalé un truc de travers ? »

J’hausse des épaules, prend mon sac le plus lourd dans une main (l’autre est déjà sur mon épaule) et m’avance d’un pas. A tous les coups c’est un prisonnier complètement barge qu’on m’a envoyé et absolument pas un membre du personnel un peu moins barge (je compte pas vraiment sur les relations cordiales et humaine dans un endroit pareil, et j’crois que j’fais bien). En tous cas, il tient à me souhaiter bienvenue, et je marmonne entre mes dents serrées un merci pas tout à fait cordial, le regardant en coin.
D’une, je suis prêt à parier que ce mec est pas net du tout, de deux, il a l’air de se foutre de ma gueule, et étonnamment c’est pas le genre de chose que j’apprécie. En plus je sais pas pourquoi, j’ai rien fait pour le moment, même pas j’avais ouvert ma gueule qu’il était déjà en train de glousser comme ces peluches qu’on secoue pour qu’elles fassent du bruit.

« C’est quoi ton nom ? »

Autant lancer la conversation le temps qu’il termine sa maudite clope. Je fume aussi bien sûr (qui ne fume pas de nos jours c’est à se demander), mais là maintenant, j’ai pas envie. C'est-à-dire qu’il fait froid, et que mes pauvres petits doigts n’ont absolument pas demandé à affronter les degrés celsius qui se font franchement rares à l’air libre. Du coup, comme je suis quelqu’un de gentil, et de sensible des mains, je ne les sors pas et j’attendrais d’être à l’intérieur pour fumer, même si c’est à peu près évident que ça va être interdit (très très à la mode les lois anti-tabagisme, mais je pense que dans un tel endroit, aussi paumé et … accueillant, le château des terres brûlées, paye le nom quoi) personne n’ira rien me dire. Nouveau regard en coin au gloussant (il s’est pas décidé à arrêter de ricaner mécaniquement, ça fait juste un peu flipper c’est pas bien grave) :

« Allez, arrête de rire et fume plus vite, il fait froid au cas où t’aurais pas remarqué ! »

Pour bien appuyer mes paroles, et histoire de montrer que je ne vais pas attendre sagement qu’il remue ses fesses, je me dirige vers les portes en jaugeant de mon regard sombre les mecs postés à l’entrée, qui ont l’air aussi sympathique que des dogues allemands enragés.
Bienvenue à ton nouveau taff, mec !
… Ouais bah au moins, j’suis plus habillé que lors du précédent. (Tu me diras tant mieux, vu le froid qu’il fait, j’me serais franchement caillé le cul à l’air.)

Non, visiblement, c'est pas in d'être sympa, surtout quand on a froid, et monsieur me fait remarquer poliment que me bouger le cul de finir ma putain de clope, ça serait cool. Moi, je ne sens pas le froid, alors ça me gêne pas – un des foutus effets secondaire de mes... Consommations... - mais visiblement, lui, ça le dérange, mais vraiment, vu le regard noir qu'il me lance. Apparemment, monsieur n'a pas l'air de tilter qu'il a anciennement joué dans des pornos, et que je le reconnais. C'est sûr qu'avec une queue pareille, difficile d'avoir le cerveau correctement irrigué, tu me diras, je peux comprendre ça. Donc monsieur est con, pauvre homme.

- C'est Irvin mon... Nom...Hi hi hi !

Oui, je peux pas m'arrêter de glousser, c'est nerveux bordel de pute borgne, je peux pas lutter contre ma propre connerie ! En plus, sa voix ferait bander un mort, sérieux, c'est surnaturel. Et moi, je suis même pas mort, alors je me prend une grosse déflagration de sex-appeal et de porno dans la gueule, c'est pas jolie à voir. Dieu merci, j'ai un baggy et un sweat-shirt gigantesque (et kaki, avec Guerilla Poubelle écrit dessus, si vous voulez tout savoir), me voilà protégé du ridicule. Bien sûr, cela va superbement bien avec mon bonnet péruvien et mes Doc Martens, Et le collier clouté va à merveille avec le reste. Oui, je me suis habillé dans le noir défoncé ce matin, pourquoi ?

- Nan en fait, nan mais tu vas rire, mais... Hi hi hi... T'aurais pas joué dans des films toi par hasard ?!

Ce qui est bien, c'est que c'est pas écrit sur mon front que je suis gay, ma dignité est toujours intacte ! Toujours ! Puis si seulement j'arrêtais de glousser comme ça, ça serait cool, merci les zygomatiques. Non mais je doit être tendu, si vous suivez le fond de ma pensée. J'dors pas assez, ça doit être ça.
Je jette ma clope au loin, et suis le monsieur qui à l'air d'en avoir marre de glandouiller dans la zone. Donc, je fais signe à bidule d'ouvrir les grilles, et on se retrouve dans un sas de sécurité, où je suis censé fouiller le monsieur (« oh vas y fouille moi ! ») sans trop être mort de rire. Non, sérieux, je vais pas le fouiller, parce que lui, il a une grande cachette que la décence m'empêche d'aller voir (« Oh oui élargis ma cachette ! »). Ca sert à rien de vérifier si il cache pas des sachets d'héro dans son fion, ça sortira bien un jour où l'autre, puis j'suis pas d'humeur à faire un toucher rectal dans le froid, en plus. Dieu que je suis vulgaire ! Heureusement que personne peut lire mes pensées, sinon ça choquerai des tas de petits n'enfants. Enfin bref, j'vais ni lui faire un fist ni fouiller ses poches, ça m'amuse pas aujourd'hui, j'ai juste envie de glousser comme un cave.
Ah oui, faut que je lui donne des armes et un uniforme qu'il ne portera pas -enfin perso je le met jamais, ce truc -, génial.

- Hi hi hiiiiii.

C'était la pause intellectuelle du jour. Non, sérieux, ceux qui disent que le crack détruit pas neurones sont des foutus cons. Si quelqu'un me dit un jour que je suis pas gravement atteint, c'est que la terre va exploser dans la seconde, obligé. Je tends à Jayden un uniforme et une arme en gloussant toujours. C'est surnaturel ce que je suis con.

- Ah mais j'adore vos films ! J'me suis bien... Amusé devant, avec un ex !

Ca touche au génie là, cette réplique, un dernier mot pour la fin ?

- Hi hi hi !

C'bien c'que je pensais.

Il a terminé sa clope et on est entré dans un genre de sas, mais au moins à l’intérieur du château (même si franchement, ça pourrait servir de chambre froide pour stocker la viande tellement ça pèle), par contre il s’arrête pas de rire. Comme une hyène passée aux amphét’ et au gaz hilarant, franchement, ça fait flipper. Je gueule pas trop fort tout de suite, parce qu’à tous les coups, à l’intérieur ils sont tous comme ça les mecs, et je crois que plutôt que d’organiser un génocide, je vais tenter de m’adapter à l’atmosphère ambiante. J’ai toujours mon expression de corbeau peu amène quand il me demande si j’ai pas joué dans des films. Je lève lentement un sourcil : ah d’accord.
Finalement y’a bel et bien des gens qui mattent ce genre de conneries, c’était pas une légende (ouais moi je pensais que les chiffres d’affaires du secteur X étaient truqués un truc comme ça, j’ai beau avoir été acteur, je vois pas comment une merde pareille peut exciter quelqu’un …). Je fixe sur lui un regard sombre dans les deux sens du terme, vachement pas gêné d’avoir été démasqué aussi rapidement.
Hé si j’avais pas voulu qu’on me reconnaisse, j’aurais mis un masque (si si ça se fait, enfin ça dépend des réalisateurs et puis on s’en fout de ça sérieux). Nouveau haussement d’épaules. Par contre je ris pas du tout, j’tape plutôt dans le style ténébreux mèches devant les yeux que franc rieur, ou hyène dégénérée, à tout hasard. J’attrape ce qu’il me tend en silence, observant de près les armes, et pas vraiment les fringues (que je compte pas mettre, l’uniforme ça me va pas, ça doit jurer au niveau de la coupe de cheveux je sais pas), et je relève les yeux sur lui un instant alors qu’il reprend la parole, et j’ramène mon grain de sel ce coup-ci.

« Oui effectivement t’as l’air de bien t’amuser. »

Je tourne les talons en attendant que la deuxième porte du sas daigne s’ouvrir afin que je puisse sortir, et m’avance dans le couloir avec sur le bras mon uniforme et mes armes, un sac à la main, l’autre sur les épaules, et la mouette rieuse sur mes talons. Je viens de lui signifier que j’aime pas énormément qu’on se foute de ma gueule, quant à savoir si l’info est parvenue jusqu’à son cerveau (manifestement pas aidé, ou un peu dérangé par une consommation de je ne sais quoi) … Dieu seul le sait.
Comme je me l’étais promis dehors, je m’arrête, fouille dans les poches de côté de mon sac, en tire un paquet de clopes (les moins chères, les plus longues, et les plus dégueu par la même occasion), et m’allume tranquillement ma petite cigarette, un sac posé entre les jambes. Et si la mouette rieuse ose me faire ne serait-ce qu’une remarque, je lui enfonce la cigarette allumée dans le gosier.
A travers l’écran tout relatif que forme la fumée, je détaille rapidement le couloir de la prison, qui me fait penser à celui qu’il y avait dans mon
A travers l’écran tout relatif que forme la fumée, je détaille rapidement le couloir de la prison, qui me fait penser à celui qu’il y avait dans mon collège y’a … un moment maintenant. Donc à l’époque j’avais tout à fait raison de penser que le collège était un bagne.
Surtout qu’ils servaient des épinards à la cantine dès qu’ils avaient tondu la pelouse, si vous appelez pas ça louche, je sais pas ce que c’est. Je jette un regard en coin à Irvin (puisque c’est son nom paraît-il), et demande d’une voix étouffée par la fumée que j’ai dans les poumons :

« Alors c’est quoi la suite du programme ? »

Et je le foudroie du regard direct des fois qu’il se remette à rire.

Sa remarque aura eu au moins une conséquence : Calmer mon fou rire. Bah oui, j'me suis rendu compte au bout d'un moment que ça pouvait le foutre mal à l'aise que je glousse comme ça, et, je sais pas pourquoi, ça m'a calmé. Je suis un peu lent à la détente, effectivement. Faut dire que j'ai les neurones un peu grillés, et même que derrière mes yeux, il y a les cendres de ce qui a été mon cerveau, amen. Pourquoi je suis comme ça ? Oh, il y a tout un tas de raisons que j'ai la flemme et la non-envie d'énumérer, enfin en guest star, on peut dire qu'il y a la coco, et même que quelques fois, les jours de grands vents, je fume du crack. Je sais que c'est mal, que les « cailloux », c'est cher, et même que je sens comme une envie de mourir venant de mon coeur et de mon foie. Bah, je les encule ces deux là, clairement. Ils ont beau grogner, je ne les écoute pas, je ne suis pas en mesure de les sentir, tout comme je ne sent pas la douleur ou le froid, ou la fièvre. Fumez un petit cailloux pour faire passer la migraine ! Ca marche hyper bien, je vous jure, un peu comme l'héro, si vous avez testé. Vous crevez d'envie de marcher dans la neige à poil à en avoir des engelures sur les parties les plus incongrues de votre anatomie ? Consommez vite des substances illicites ! ( Non remboursées par la sécu... )

D'solé.

Il marche dans le couloir très lolilol de la prison, et je le suis comme son ombre, à deux mètres de distance environ. Dingue, il a l'air de connaître l'endroit mieux que moi, Mr Porno. Faut dire que j'ai vachement de mal à suivre, et que les images qui m'arrivent on tendance à être un peu saccadées. Saloperie de cerveau qui marche pas.
Comme il sort une clope, j'en sors une aussi. J'aime pas voir les gens fumer sans moi, et les sienns ont l'air d'être foutrement dégueulasses, vu l'odeur. Putain, pour vingt centimes de plus, il pourrait prendre des Marlboro ou des Lucky Strike merde ! ( C'est les deux marques les plus connues à mon sens, c'est à dire pas grand chose)

- Bah alors pour la suite du programme bah-euh... Y a la version chiante, c'est à dire tu glandes dans ta piaule toute la soirée, tu t'endors à vingt heure, et tu vas au boulot le lendemain. C'est pas riche en occupation dans le coin, tu noteras. Puis sinon tu peux faire autre chose !

Là je place votre serviteur hormonalement dérangé, qui aimerait quand même savoir ce que ça fait de se taper un acteur porno visiblement bien fait de sa personne (grosse queue). Non, c'est plus de la curiosité de du désir là, mais je sens que le second va prendre le pas sur le premier ('fin j'espère pas resté allongé comme un cave à attendre qu'il se passe quelque chose d'intéressant). Mais j'aimerais pouvoir mettre ça sur mon CV sexuel « s'est taper un acteur porno », putain, c'que je pourrais frimer !
Bon, faut que je lui fasse comprendre mes intentions de façon subtiles, gracieuses, et tout à fait acceptable par sa morale (ça tiendrait qu'à moi, je lui baisserai son pantalon, et on s'y mettrait comme ça).

- Bah écoute t'es dans la chambre... Huit ! On baise ?

Ca, c'est cent pour cent moi.

La bonne vieille technique du « j’espère que tu te crois pas super marrant là quand même » a encore fait ses preuves. Faut dire qu’additionnée à mon regard de corbac tueur, avec le pli de lèvres pas jouasse du tout, ça a tendance à calmer rapidement. Et moi je suis bien content que ça fasse cet effet-là, parce que les ricanements, ça va cinq minutes, mais plus ça a tendance à mes les briser menu. On est planté comme deux abrutis en plein milieu du couloir, genre c’est un salon de thé ou une connerie du genre, et je balaie les lieux d’un regard un peu (légèrement) ennuyé. Y’a personne, strictement personne dans ce putain de couloir, et c’est quand même un peu étonnant parce que j’aurais parié que c’est une des grandes artères de ce château super vieillot.
Un coup d’œil à ma montre et je m’explique ce mystère : c’est sans doute l’heure de la bouffe. J’ai pas très faim, et même si j’étais affamé, j’aurais pas dérogé à l’étape passer par ma piaule pour me débarrasser de mon bordel. J’attends sagement en tirant sur ma clope qu’Irvin (puisque c’est son nom) se réveille et se souvienne que je ne connais pas le chemin jusqu’à ma chambre, et que donc j’aimerais bien qu’il me montre. Dans le genre rapidement. Il finit enfin par se mettre à parler, et je me détends un peu, la sangle de mon sac s’enfonçant un poil plus dans mon épaule.
Le problème de ce mec quand il commence à parler c’est qu’il s’arrête plus, et le voilà qui bave sur la soirée que je vais passer, et qui m’a l’air franchement pas très excitante. Je sais pas pour vous, mais moi, quand ça commence par « tu t’endors à vingt heures », ça a tendance à me coller des frissons d’horreur dans le dos, alors quand il parle de faire autre chose, je dresse l’oreille tout en gardant soigneusement mon expression de corbeau neurasthénique. C’est qu’il faudrait pas casser ma belle réputation sitôt arrivé, hm ?
Et là, il m’annonce le numéro de ma piaule, et me demande si j’veux qu’on baise. J’avoue que j’en suis resté con l’espace d’une poignée de secondes, parce que je m’attendais à beaucoup de choses mais pas à ça. Remarque, ça en fait fantasmer, de se taper un ex-acteur porno. Un sourire amusé s’accroche à mes lèvres :

« Tu veux pas me montrer ma piaule, avant ça ? C’est pas que j’suis chargé, mais un peu. »

Un mouvement de tête vers le couloir, au hasard, histoire qu’il imprime bien qu’il doit me conduire jusqu’à la chambre numéro huit. C’est pas pour dire, mais cette drôle de bête là, j’lui fais pas tellement confiance pour imprimer quelque chose dans son petit cerveau.
Quant à savoir si j’ai envie de baiser avec lui ou pas, c’est une excellente question. J’viens d’arriver, j’suis relativement fatigué, mais j’en ai vu d’autres, et j’avoue que j’avais pas pensé à l’aspect relations sexuelles dans une prison avant de venir. Ce type-là me remet en tête l’endroit où on est et tout ce qui en découle (et pas par sa seule présence, parce qu’il avait l’air directement sorti d’un asile ou d’une cure de désintox).
J’viens peut-être à peine d’arriver, et j’en ai peut-être pas super envie, mais c’est pas con du tout de se trouver des alliés dans la place dès maintenant. C’est pour ça que quand on arrive en chambre huit, j’le laisse passer devant moi, et le pousse légèrement en appuyant mes doigts dans le creux de ses reins.

« Allez allez, on traîne pas. »

Il a la particularité agaçante de laisser traîner ses pieds au sol et ça m’agace.

HJ : J'te laisse reprendre dans la piaule ou ici, comme tu veux.